Ce recueil de dix-huit nouvelles a ceci de particulier que, comme l’indique le titre, chaque texte est relié à une fête du calendrier, qu’il s’agisse de fêtes religieuses (Noël), familiales (fête des mères, Saint-Valentin), historiques (Armistice) ou typiquement américaines (anniversaire de Lincoln, homecoming day – fête des anciens étudiants dans les universités). Précisons tout de même que ce recueil est paru en 1981, et que la publication des textes le composant s’est étalée entre 1968 et 1980, faisant des fêtes un fil rouge pour la composition du livre davantage qu’un principe d’écriture des récits. Cette association permet néanmoins à l’auteur de faire étalage de sa malice, car elle est très souvent antinomique : ainsi, l’anniversaire de Lincoln est-il l’occasion de décrire un retour de l’esclavage, la fête des pères nous propose-t-elle de parler de l’adoption… d’un père, et Noël une guerre qui se déclare sous le sapin entre les différents jouets des enfants. La plupart des nouvelles prennent ainsi le contre-pied de ce à quoi on pourrait s’attendre ; et lorsqu’elles illustrent la fête concernée sans intrigue contradictoire, elles sont très souvent humoristiques, comme dans « Forlesen » (fête du travail), seule novella du livre, où un homme se réveille amnésique pour se voir dicter sa vie par diverses instructions, allant jusqu’à travailler dans une entreprise sans savoir ni ce qu’elle produit ni en quoi consiste son poste – convoquer ici Kafka et les Monty Python n’est pas usurpé. L’humour léger cède réguliè- rement la place à la férocité, allant parfois jusqu’à l’épouvante, comme dans « La Cabane de Paul », où un père s’inquiète pour son fils, qui s’est réfugié dans la cabane qu’il a construite dans un arbre, sur fond de guerre civile. Mais le Gene Wolfe sarcastique revient vite sur le devant de la scène, et c’est cette unité de ton qui donne sa cohérence à ce recueil, plus que le genre (on y croise pêle-mêle du fantastique, de la science-fiction, du conte ou de l’absurde), les thématiques abordées ou même la longueur diverse des textes. Le Livre des fêtes se révèle ainsi un solide recueil, où Gene Wolfe fait étalage de sa palette de nouvelliste, dans des genres variés, mais avec une patte reconnaissable entre toutes.