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Les critiques de Bifrost

Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97

Maurice Renard, chantre du merveilleux scientifique, a été quasiment oublié pendant un temps, mais diverses publications, ces dernières années, l’ont rappelé à notre bon souvenir, comme l’enthousiaste et habile pionnier qu’il était. En 2019, nous avons eu droit à deux exhumations éclairant la dernière phase de l’œuvre de l’auteur… à vrai dire une époque où il avait tendance à remiser le merveilleux scientifique, pas assez vendeur, quand d’autres genres, à l’image de la romance ou du policier, lui garantissaient des revenus plus sûrs.

[Lire la critique de Celui qui n'a pas tué.]

Quelques mois plus tôt, la BNF, dans sa collection des « Orpailleurs », avait publié un autre ouvrage de Maurice Renard – un roman, cette fois, Le Maître de la lumière. Proposé en feuilleton en 1933, il est donc postérieur aux nouvelles de Celui qui n’a pas tué . Cependant, le merveilleux scientifique y revient en force, tout en se mêlant de quantité d’autres genres : là encore, le récit sentimental et le policier ont une importance majeure, mais Maurice Renard y ajoute une dose non négligeable de roman historique, et s’autorise même un détour via les aventures maritimes.

Tout commence avec une histoire d’amours impossibles, très Roméo et Juliette, mais avec des Corses : les amoureux sont issus de clans qui se livrent une impitoyable vendetta depuis un siècle en raison d’un assassinat qui rend toute réconciliation impensable. Or, notre héros fait la découverte d’un étrange matériau, la «  luminite », qui « ralentit » la lumière : les images que l’on voit à travers proviennent ainsi du passé, à la manière du spectacle des étoiles. De fait, ce que l’on voit ainsi pourrait peut-être éclairer l’assassinat qui s’est produit en 1835… au jour et à l’endroit mêmes de l’attentat de Fieschi (encore un Corse).

L’idée relevant du merveilleux scientifique est bonne, et méticuleusement explorée. Cette trouvaille produit une double enquête, à la fois policière – très astucieuse, pour le coup – et historique, avec la « machine infernale » à l’arrière-plan. Les genres se conjuguent très bien, et la romance qui les sous-tend de même (passé les tout premiers chapitres, elle ne phagocyte pas excessivement le récit). À ceci près que Le Maître de la lumière s’avère à nouveau une impensable collection de coïncidences – c’est plus sensible encore que dans Celui qui n’a pas tué du fait de l’unité (malgré tout !) du récit. Par chance, là encore l’auteur sait inciter le lecteur à jouer le jeu, et, si l’on excepte un antépénultième deus ex machina bien falot qui ne devait pas davantage convaincre en 1933 qu’aujourd’hui, l’ensemble, même un brin trop bavard, se montre aussi charmant que palpitant.

Bienvenues, ces deux publications illustrent, dans des registres divers, le talent multiforme de Maurice Renard. Elles ne constituent sans doute pas le pinacle de sa carrière, mais qu’importe : elles sont tout à fait séduisantes.

Bertrand BONNET

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