Avec Le Melkine, Olivier Paquet inaugure une trilogie de space opera qui s’annonce plutôt molle du genou quoi que non dénuée de tout intérêt.
Le Melkine est un navire-école qui n’a toutefois rien à voir avec les illustres Sedov, Amerigo Vespucci, Kaiwo Maru ou Sagres II qui constituent aujourd’hui la survivance de la marine à voiles, il n’a nullement vocation à former des cadets, futurs officiers d’une marine marchande, fut-elle spatiale. C’est une sorte d’université voguant de monde en monde à travers l’Expansion. Il s’agirait même plutôt d’un lycée. Les élèves, pas les étudiants, ont une quinzaine d’années et il n’est nullement question de mémoire ni de thèse.
L’Expansion est née d’une immense flotte d’astronefs qui a quitté une Terre rongée jusqu’à l’os pour s’installer dans un amas où les distances interstellaires sont restreintes. Elle est divisée en une demi-douzaine de fréquences qui sont autant de zones d’influence liées aux moyens de communication. La plupart des mondes vivent figés dans un modèle de civilisation, souvent archaïque, censé avoir été choisi et garanti par le conditionnement, une technique qui empêche les gens de remettre en cause le mode de vie auquel ils sont soumis. Ouvert à tous ceux qui le peuvent et le souhaitent, le Melkine s’est donné pour mission de préserver les possibilités d’évolution de l’Expansion en brisant le conditionnement de ses élèves par l’éducation. Aussi, les anciens du Melkine sont-ils rarement bien vus et bienvenus là où ils s’installent.
Azuréa, qui dirige la fréquence Banquise d’une main de fer, a un projet globalement similaire et entend bien secouer la torpeur de l’Expansion en la saturant de communication. Même dessein en apparence que celui du Melkine, mais un conflit encore larvé les oppose, à l’arrière-plan duquel on trouve l’éducation en opposition à la communication. Une information chargée de sens contre une qui en est dénuée.
Olivier Paquet inscrit là son livre dans une perspective tout à fait contemporaine, à l’heure où nos fréquences radio approchent de la saturation.
Sans nul doute, il y avait matière à un bon roman. Malheureusement, le résultat n’est pas à la hauteur. De l’univers de l’Expansion, on a une image floue et tremblotante. En bien trop d’occasions, ce livre rappelle Seeker de Jack McDewitt : un univers de space opera où rien ne semble avoir changé depuis aujourd’hui. Aux dîners en ville de l’Américain répondent ici des querelles de salle des profs ! Quant aux élèves, ils ont des préoccupations de leur âge qui sont davantage intemporelles : le cul et les nibards. Ils font le mur à l’occasion… Pas grand-chose de nouveau sous les étoiles, si ce ne sont les étoiles elles-mêmes et le fait que les profs amènent leurs élèves au bordel pour les cours d’éducation sexuelle ! Ça n’en reste pas moins le moment où l’intérêt grimpe de plusieurs niveaux…
Le roman semble fonctionner sur le principe de la double intrigue. L’opposition entre la technoprophète de la fréquence Banquise et le navire-école, d’une part ; d’autre, le conflit au sein du personnel éducatif du Melkine à propos de la sortie des élèves sur Babil-One. Plutôt que de se rejoindre, les deux enjeux ne font que s’effleurer ; tout juste assez pour que ça fasse quand même une étincelle.
Ce roman n’est pas inintéressant en soi, c’est plutôt du côté de la facture que cela pêche… Quant à savoir s’il faut s’aventurer à lire les deux suites prévues… rien n’est moins sûr.