Fidèle à ses amours post-apocalyptiques, Jean-Pierre Andrevon revient en grande forme avec Le Monde enfin, écrit à l'origine dans le contexte de la vache folle, mais rattrapé depuis par le spectre de la grippe aviaire. L'opération promotionnelle est donc parfaite, ce dont personne ne se plaindra, tant ce nouveau roman (compilation d'anciennes nouvelles et de plus récentes, liées par un fil conducteur glissé entre les « chapitres ») se lit avec un plaisir bien réel. Le contexte narratif est assez simple (mais au premier abord seulement) : un virus meurtrier se répand comme une traînée de poudre sur notre planète bleue en bien mauvais état. Aussitôt, les morts s'entassent par milliers, puis par millions, et c'est bientôt la survie des hommes en tant qu'espèce qui est clairement menacée. À l'instar du triste sort des tigres de Sibérie, trop peu nombreux pour se rencontrer (et donc se reproduire) sur leur immense territoire, l'humanité risque fort de ne pas s'en remettre. La nature, elle, reprend vite ses droits (ce qui donne par ailleurs de belles pages descriptives d'un Paris envahi par les animaux échappés du zoo et rendus à la vie sauvage) et le (mauvais) souvenir de l'Histoire humaine ne perdure pas longtemps. À quelque chose, malheur est bon, la disparition de ces encombrants bipèdes étant le prélude à un nouvel ordre écologique enfin débarrassé de son principal persécuteur. Mais si Jean-Pierre Andrevon n'est pas particulièrement fan de l'espèce humaine, il s'y intéresse suffisamment pour croquer des personnages attachants, perdus sur une Terre qu'ils ne reconnaissent plus et à laquelle ils sont désormais étrangers. Les années passent et les rares survivants meurent peu à peu, seuls, vieux et finalement pathétiques. Auparavant, le lecteur suivra le parcours (et notamment la première nouvelle, véritablement formidable) de quelques « heureux élus » qui, du savant français au militaire tout juste sorti d'hibernation en passant par des cosmonautes débarqués de leur navette sans conscience réelle de l'état du monde, luttent contre un ennemi invisible et évidemment tout-puissant : leur propre inutilité.
Sombre, mais pas désespéré, Le Monde enfin ne donne pas dans la morale. Il l'évite même comme la peste et se contente d'observer la fin avec une saine et salutaire distance goguenarde. Un Andrevon grand cru, donc, qui se déguste tranquillement, les deux pieds bien enfoncés dans les scories d'un monde dévasté.