Fred HOYLE
ÉVOLUTION (EDITIONS DE L')
320pp - 15,00 €
Critique parue en janvier 2015 dans Bifrost n° 77
Après leur réédition du Formidable événement de Maurice Leblanc, les éditions de l’Evolution poursuivent leur travail d’exhumation de vieux romans d’anticipation avec Le Nuage noir, signé Fred Hoyle. Auteur aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli, Hoyle est surtout connu comme astronome et cosmologiste, voire comme défenseur de la théorie de la panspermie, et a comme principal fait d’arme d’avoir forgé — par dérision — le terme « Big Bang ».
Ecrit en 1957, avec une action située sept ans plus tard, ce Nuage noir fait désormais figure de rétro-SF. Tout commence donc en 1964, lorsqu’un astronome du mont Palomar découvre une anomalie en observant le ciel du côté de la nébuleuse d’Orion : quelque chose occulte une minuscule partie de la voûte céleste. Quelque chose bientôt baptisé le Nuage noir. Et ledit Nuage semble grossir. Dans le même temps, des astronomes anglais remarquent des perturbations dans l’orbite de Jupiter et Saturne que rien ne paraît expliquer, si ce n’est l’influence d’un objet externe au Système solaire. La mise en commun des découvertes amène à penser que le Nuage noir, d’une taille non négligeable (une UA), fonce droit vers la Terre, avec une arrivée prévue dans une quinzaine de mois. Si tout se déroule comme les scientifiques le craignent, le Nuage provoquera l’extinction de toute vie sur Terre. Son approche n’est pas sans provoquer des désastres : fortes chaleurs, puis obscurité et froid polaire… Les morts se comptent par millions. Sans compter que certaines bizarreries dans le comportement du Nuage lais-sent supposer qu’il est vivant. Intelligent. Reste à savoir s’il est possible de comprendre une telle entité, ou de s’en faire comprendre.
Récit de pure hard science, Le Nuage noir fait la part belle aux réflexions et débats scientifiques. Allant à contre-courant de théories aujourd’hui communément admises (un univers stationnaire : paradoxalement, Hoyle ne croyait pas au Big Bang), il n’en introduit pas moins des idées qui seront reprises plus tard par des auteurs tel que Stephen Baxter — notamment celle d’une vie qui se dé-veloppe partout où elle le peut. Quitte à délaisser les personnages. Ainsi, de la galerie de scientifiques, protagonistes du roman, n’émerge guère que la figure de Chris Kingsley, brillant astronome mais tête de mule, qui ne dissimule guère son mé-pris envers les politiciens. La médiocrité et l’étroitesse de vue de ces derniers s’avèreront désastreuses, et un humour fé-roce imprègne les pages concernées.
Enfin, à la manière de notre bon professeur Lehoucq et sa rubrique « Scientifiction », James Lequeux remet en perspective, dans une postface hélas trop courte, les aspects scientifiques du Nuage noir — et démontre que Hoyle a commis peu d’erreurs dans son roman. Un peu vieilli, celui-ci n’en demeure pas moins une lecture digne d’intérêt.