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Les critiques de Bifrost

Le Pays sans lune

Le Pays sans lune

Simon JIMENEZ
J'AI LU
544pp - 22,00 €

Bifrost n° 111

Critique parue en juillet 2023 dans Bifrost n° 111

Après un premier roman de SF sans grand relief, Cantique pour les étoiles (cf. Bifrost n° 104), Simon Jimenez signe avec Le Pays sans lune un récit dans une veine plus fantasy, dont la narration et l’attention portée à l’écriture comptent au rang de ses grandes qualités.

Au cœur de ce roman divisé en sept parties (avant, cinq jours, après) se trame un double récit, dont le point de rencontre est une scène, celle d’une représentation dansée. Le premier aspect du récit – narré avec maîtrise à la seconde personne du singulier – concerne un personnage qui se remémore les contes et légendes qu’il a appris de sa lola, provenant d’un lieu d’où les siens ont émigré pour un pays qui semble, technologiquement, similaire à notre époque (radio, téléphones…). Racine et maison familiales que son père et ses frères délaissent peu à peu. De cette tradition orale émergera un rêve, un lieu, où le personnage assistera au récit dansé de la chute d’un Empire.

Ici se joue alors l’autre part du récit, qui débute par la disparition de l’oiseau chéri d’un Empereur tyrannique ayant reçu des pouvoirs de la déesse Lune. Cette dernière est retenue captive, et nous apprendrons que la lignée royale est issue de sa captivité. On s’avance ainsi dans un territoire littéraire plus proprement fantasy où s’entrecroisent plusieurs personnages : héritiers, mercenaires, guerriers sous serment, despotes, généraux mais aussi les innombrables anonymes.

Les motifs y semblent connus : une arme à haute valeur symbolique, dieux emprisonnés, animaux fantastiques, trahisons et rédemption, stratagèmes et affrontements, superstition et dévastation, sans oublier les liens familiaux, amicaux et amoureux. Cependant tous sont utilisés avec intelligence, ménageant leurs effets, jouant de ce qu’un lecteur (ou spectateur) avisé saura reconnaître, sans ôter le sel du récit, la joie des résolutions et retournements. En parallèle, les avancées dans les souvenirs du personnage d’une époque plus contemporaine, ainsi que la représentation à laquelle il semble assister en rêve, amène une distance quant au récit épique.

S’il faut assurément faire confiance à Simon Jimenez pour avancer dans ce roman, la curiosité envers le monde passé et présent, entre ce qui est narré et conté, ainsi que la polyphonie assurée par un jeu d’inserts en plein texte permettent de s’y plonger sans trop de mal. Les deux aspects du récit s’entrecroisent comme les fils d’une trame – d’une tapisserie au motif plus large… révélant une danse.

En somme, l’une des qualités certaines de ce roman est son inventivité narrative, sa volonté d’utiliser les outils littéraires pour faire effet, en synergie avec des motifs de fantasy familiers auxquels se mêle la notion de transmission. Pari réussi : le roman se dévore, et à la fin de la représentation, on applaudit, charmés.

Eva SINANIAN

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