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Les critiques de Bifrost

Le Peuple du Grand Chariot

William LINDSAY GRESHAM
LE PASSAGER CLANDESTIN
64pp - 5,00 €

Critique parue en avril 2021 dans Bifrost n° 102

Cette nouvelle publiée en 1953 dans The Magazine of Fantasy and Science Fiction nous conte l’histoire d’un jeune demi-gitan qui quitte la Grande Vie (la vie errante) par amour, réitérant de la sorte celle de ses parents. Il y reviendra après la destruction de son village d’élection par une tornade. Ceci dans un contexte post-apocalyptique, après la guerre atomique.

La nouvelle se veut un plaidoyer en faveur des gens du voyage qui ont souvent été persécutés au cours de l’histoire, leur sort étant plus ou moins comparable à celui des Juifs. Dans cette histoire, les Roms restent détenteurs d’un savoir low tech mais pratique, qu’ils livrent avec parcimonie au Gadjé – les Gadjé sont aux Gitans ce que les Gentils sont aux Juifs – ceux qui ne sont pas du Peuple.

Hélas, le texte ne tient ensuite plus la route. Ainsi, on y voit les Gitans donner des conseils en matière agricole : s’il y a bien une chose que les Gitans ne sauraient être, c’est agriculteurs ; l’agriculture étant la cause première de la sédentarité. Mais c’est plus encore l’attitude des Gadjé qui est ridicule de stupidité. On voit tout un village tirer un tracteur à chenille lui-même attelé à la charrue. Quand une chenille vient à se rompre, le village se laisse mourir de désespoir et de dépression. À un autre moment, on voit la mère du personnage s’échiner à monter des seaux d’eau au grenier pour y remplir des réservoirs afin d’avoir de l’eau au robinet pour entretenir l’illusion que la vie continue comme si la civilisation ne s’était pas effondrée. Quand la nouvelle est publiée, en 1953, l’eau courante n’est certes plus rare, surtout en milieu urbain, mais en campagne, c’est autre chose… La guerre atomique date suffisamment pour que Boston soit presque oublié mais des vélos sont encore préservés : or, les pneus de vélos se détériorent au bout de dix ans. Après qu’une faucheuse a été détruite par une tornade, le roi des Roms donne aux villageois la faux ou la faucille pour moissonner…

À la fin du texte, on découvre une explication hétéroclite comme quoi les Roms serait un peuple venu des étoiles, qui aurait progressivement tout appris aux Gadjé qui, dès qu’ils en surent assez, bousillèrent leur civilisation – le cycle se répétant ainsi sans fin. Ce qui est impossible. Les ressources accessibles en minerais, charbon ou pétrole avec des moyens low tech n’existent plus pour un éventuel recommencement ; nous les avons utilisés. Si la civilisation tombe, il n’y aura pas de seconde chance.

Sympathique, cette nouvelle se laisse lire mais n’est guère crédible.

Jean-Pierre LION

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