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Les critiques de Bifrost

Le plus petit zoo du monde

Le plus petit zoo du monde

Thomas GUNZIG
FOLIO
188pp - 8,30 €

Bifrost n° 31

Critique parue en juillet 2003 dans Bifrost n° 31

« Il suivit l'homme en tenue de chirurgien jusqu'à un bureau où une jeune fille semblait les attendre d'un air un peu triste. Elle portait un tailleur un peu ringard, un imprimé fleuri avec épaulettes mais, excepté cela, elle était vraiment jolie. Très jolie. Un visage harmonieux, de longs cheveux sombres. Henry dit bonjour en souriant. « Elle ne vous répondra pas », dit le chirurgien. Devant l'air étonné d'Henry, il rajouta : « C'est une vache ». » Page 48.

« Le très honorable et très vénérable Moon Joon Jr, à la sagesse multipliée par cinq, grand ordonnateur du yin et du yang, fils du lièvre et frère du cochon, cousin de la loutre, neveu du serpent et père du dragon, lui avait tout appris sur la douleur […] il lui avait déchiré chaque muscle, tordu chaque articulation, cassé chaque os, percé la peau, brûlé les yeux, arraché les ongles, électrifié les testicules, perforé l'abdomen et déplacé les vertèbres, une par une comme les pièces d'un foutu domino. Bruce avait résisté à tout ça avec le flegme glacial qui allait, plus tard, asseoir sa réputation. » Page 87.

Voilà un recueil de sept nouvelles où l'on rencontre, entre autres, de bien étranges personnages : un homme (au bord de la rupture conjugale avec aspersions) trouvant une girafe morte dans son jardin et confiant le problème à l'ouvrier polonais qui a repeint son appartement ; un homme (ignoble de médiocrité intellectuelle) qui, lui, kidnappe des auto-stoppeuses et finit par y mettre le feu ; un homme (esseulé et sinistre) qui, après avoir lu une étonnante petite annonce, prend une vache à apparence humaine comme compagne. Et, cerise sur le gâteau, Bruce Lee (le seul, l'unique !) en grand péril face aux quatre plus dangereuses triades chinoises.

Avec ce livre de 192 pages, maquetté avec de gros caractères pour vieilles taupes acariâtres, dédié à son chat mort en 2001, Thomas Gunzig (dont la langue fait penser à Brel et à Brassens, et l'humour vachard à Francis Mizio), confirme qu'il est un grand auteur, un de ceux qui n'a pas peur de mélanger les genres (kung fu et uchronie ! pour « L'Ours, le coucou, le frelon, la rainette ») et de donner dans l'absurde kafkaïen (« La Girafe »). En guise d'info collatérale, rappelons que ce jeune auteur belge avait reçu le prix Victor-Rossel et le prix Club Méditerranée 2001 pour son précédent ouvrage au Diable Vauvert, Mort d'un parfait bilingue.

Un recueil à lire, donc, car formidable d'inventivité, d'humour et de maîtrise. Cependant, n'en déplaise au Diable, on se permettra un bémol : à quinze euros l'entrée pour une visite de deux heures, ce zoo, bien que ciselé à la dent de requin et poli au scrotum de tigre, est tout simplement hors de prix.

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