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Les critiques de Bifrost

Le Premier meurtre sur Mars

Sam WILSON
BRAGELONNE
512pp - 25,00 €

Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118

Mars a été colonisée. Non par la volonté de gouvernements, américains, chinois ou autres. Mais par celle d’un homme, un entrepreneur visionnaire (enfin, selon lui), Alexander Fuller. Cependant, tout n’est évidemment pas aussi rose que souhaité ou raconté dans les médias. Il faut donc enrichir la réalité, la rendre plus désirable. Alexandre fait donc tout ce qu’il faut pour que ses enfants, des jumeaux, Rose et Archimedes, soient les premiers à naître sur Mars en 2034. Ainsi deviennent-ils malgré eux le symbole d’une planète vouée au loisir et aux distractions, loin de la grisaille de la Terre. Hélas, on le comprend dès les premières pages, en 2103, la situation a bien changé. La corporation Fuller a pris le contrôle des bases et tout se monnaye : les objets de première nécessité, la nourriture, l’oxygène. Qui ne peut payer est renvoyé sur la planète bleue (qui porte de plus en plus mal son nom), avec une dette colossale due au prix du voyage. Certaines colonies se sont rebellées, et la guerre est désormais ouverte entre les deux visions. Comment en est-on arrivé là ? La réponse nous est donnée dans Le Premier meurtre sur Mars.

Sam Wilson, comme on a pu le voir avec son roman précédent Zodiac (qui a rien à voir avec le Zodiac de Neal Stephenson), aime utiliser le meurtre comme base de ses récits. Cependant, Le Premier meurtre sur Mars n’est en rien un roman policier. Le premier assassinat perpétré sur cette planète ne sert que de déclencheur final à des évènements sociaux. L’enquête menée en 2103, et dont on met longtemps à comprendre les tenants et les aboutissants, tant les non-dits sont nombreux sur cette planète rouge, n’est pas le centre de l’histoire. Elle n’est qu’un prétexte pour découvrir les conséquences d’une idée, sans doute très belle aux yeux de son créateur, Alexandre Fuller, ayant viré au cauchemar pour tous les habitants de Mars. L’auteur a donc imaginé deux arcs narratifs qu’il dévoile en parallèle : 2103, Dylan Ward est entraînée malgré elle dans une plongée dans le passé de Rose Fuller ; 2034 : la naissance, la jeunesse et l’accession à la liberté de cette dernière. Les éléments, qui se mettent en place assez lentement, requièrent une certaine patience et une confiance sans faille. D’autant que le rythme est parfois bancal, et certains personnages caricaturaux. Mais le tableau final tient la route : les quelques efforts consentis n’ont pas été vains. Le spectre d’Elon Musk et sa volonté possible de s’approprier la planète rouge planent sur cette histoire qui sonne comme un avertissement. Difficile de jouer avec de telles forces, à une telle distance de la Terre, dans un environnement hostile à toute vie humaine. Difficile de penser qu’on peut gérer une population au seul moyen d’une communication réussie. Difficile d’accepter de réduire en un esclavage qui ne dit pas son nom des milliers de personnes au profit d’une poignée. De bonnes raisons de s’essayer à cette lecture— malgré des défauts patents.

 

 

 

Raphaël GAUDIN

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