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Les critiques de Bifrost

Le premier souper

Le premier souper

Alexander DICKOW
LA VOLTE
18,00 €

Bifrost n° 104

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

Professeur d’université à Virginia-Tech spécialisé en littérature française, Alexander Dickow est aussi traducteur, essayiste, poète et romancier. Son roman Le Premier souper, paru au printemps chez La Volte – éditeur se faisant fort de publier les livres les plus inclassables des littératures de l’Imaginaire –, s’avère tout naturellement un ovni.

Sous-titré « Fragments de mondes », Le Premier souper nous emmène tout d’abord du côté d’un peuple se nourrissant de pierres, de cailloux et autres caillasses. Pour ces humains cavernicoles, ce régime pétrivore nécessite une dentition et un tube digestif modifiés… mais la tentation de la nourriture normale est toujours présente, et la révolte gronde au moins autant que les estomacs après l’ingestion d’un aliment non-pierreux. La deuxième partie nous mène du côté de l’Empire phonide, où une véritable barrière sépare le monde des idées du monde physique. Une barrière moyennement étanche, puisqu’une lutte sans merci fait rage depuis longtemps entre les humains et ce peuple nouménal, les incursions des seconds dans le monde des premiers ayant des résultats… curieux. Un certain Ronce Albène, érudit voyageur, a rédigé un livre racontant ses pérégrinations à travers le monde. Pour sa part, Ronce est issu du peuple des aurèdes, dont les membres les plus éminents s’adonnent à l’autophagie — mais en raison de la physiologie particulière des aurèdes, ça n’est pas aussi dommageable qu’il n’y paraît. Personnage sulfureux dans cette société où se nourrir d’autre chose que soi-même est mal vu, Ronce est un individu dont l’amitié peut causer des ennuis…

Rédigé dans une langue richement travaillée – la dédicace à Alain Damasio n’est pas anodine, même si le projet de Dickow a peu à voir avec l’auteur des Furtifs –, Le Premier souper est donc aussi singulier qu’il est permis de l’imaginer. Intrigues et personnages ne sont là que pour répondre aux conventions du roman, la narration se faisant un malin plaisir de varier les styles au fil de cette anthropologie alimentaire bizarre. Le résultat est aussi fascinant qu’étrange, avec une saveur qui échappe à toute classification… Mais, à l’instar des mets aux goûts les plus éloignés de nos habitudes gustatives, ce Premier souper ne plaira guère qu’aux palais les plus curieux.

Erwann PERCHOC

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