Malgré une trilogie globalement décevante chez J'ai Lu (Les Aventures de Pierre Pèlerin), Hervé Jubert m'a toujours semblé avoir un fort potentiel, entrevu dans ses deux premiers romans parus dans la collection « Abysses » il y a quelques années. Après la lecture de ce Quadrille des assassins, je commence à douter…
Levons tout de suite une ambiguïté : si le roman paraît dans une collection pour la jeunesse, il n'en a pourtant aucune caractéristique et n'hésite pas à l'occasion à mêler violence et sexe — l'une des premières scènes du livre décrit un meurtre assez peu ragoûtant.
Le Quadrille des assassins ne relève de la S-F que de façon lointaine. L'époque n'est pas précisée, futur proche ou présent parallèle. L'action se déroule pour l'essentiel dans des villes-musées, reconstitutions de lieux emblématiques de périodes révolues : le Londres du XIXe siècle, le Paris de Louis XIV ou la Venise des Doges. Ces lieux, avec quelques autres, sont devenus des centres touristiques majeurs, sortes de Disneylands historiques.
Pour le reste, le roman de Jubert œuvre plutôt dans le registre du fantastique : son héroïne est une magicienne, la sorcellerie est présente tout au long du récit et le diable en personne viendra même faire une apparition. Qu'importe, Jubert a toujours affiché un dédain royal pour les genres, qu'il s'est toujours plu à mêler, plus souvent pour le meilleur que pour le pire, d'ailleurs.
L'intrigue en deux mots : Roberta Morgenstern, sorcière employée au Bureau des Affaires Criminelles, est chargée d'enquêter sur un meurtre commis dans le Londres reconstitué. Elle est accompagnée d'un jeune collègue, Clément Martineau, dont c'est la première mission. Ils découvriront rapidement que le tueur en question est un célèbre personnage historique — Londres, XIXe siècle, assassin, ai-je besoin de vous faire un dessin ? D'autres événements similaires vont bientôt se dérouler à Paris, conduisant les enquêteurs à s'intéresser au créateur de ces villes-musées, vieillard qui semble devoir sa longévité à autre chose qu'aux progrès de la science.
En premier lieu, Le Quadrille des assassins souffre d'un récit extrêmement linéaire : les personnages se rendent dans une première ville, résolvent l'affaire, partent pour une deuxième ville, etc. C'est le moindre de ses défauts. Le vrai problème, c'est que ce roman est d'une vacuité totale. L'univers mis en scène n'a pas plus d'épaisseur qu'un décor de théâtre. Les personnages ne sont ni attachants, ni sympathiques, ni même intéressants. Le style est totalement impersonnel. Et surtout, Jubert a beau multiplier les péripéties et les scènes d'action, en particulier dans le dernier quart du récit, on s'ennuie à pleurer. Certains de ces défauts étaient déjà sensibles dans les œuvres précédentes de l'auteur, mais ils n'ont jamais été aussi criants. Jusqu'alors, Jubert parvenait à les masquer derrière une imagination fertile et un goût pour l'insolite salvateurs. Cette fois, rien ne vient sauver le navire du naufrage.