Whitley STRIEBER
FLEUVE NOIR
416pp -
Critique parue en octobre 2010 dans Bifrost n° 60
[Critique commune à Les Prédateurs, Le Dernier Prédateur et Le Rêve de l'élite.]
Une recherche sur les sites internet français ne vous apprendra pas grand-chose sur Whitley Strieber. Par conséquent, ce sont les sites anglo-saxons qui vous renseigneront au mieux sur ce qu’il a écrit. Cet auteur américain, né en 1945 au Texas, connaît le succès dès son premier roman, Wolfen (1978), un thriller mêlant lycanthropie et mythes amérindiens d’une qualité plus qu’acceptable et qui, dès 1982, deviendra un honnête film d’horreur signé Michael Wadleigh (le réalisateur du célèbre film-documentaire Woodstock). Son deuxième roman, Les Prédateurs, sera lui aussi adapté au cinéma, par ce qui était à l’époque un jeune réalisateur, Tony Scott (frère de…), avec un casting prestigieux (Catherine Deneuve, David Bowie et Susan Sarandon). Si le film bénéficiera d’un succès d’estime grâce à son esthétique et son atmosphère pesante, son exploitation en salles se soldera par un échec commercial. Les Prédateurs (1981), dont est tiré le scénario du film, est en fait le premier volet d’une trilogie que Strieber a écrit sur vingt-deux ans (Le Dernier Prédateur en 2001, Le Rêve de l’élite en 2003). D’emblée, on est en droit de se demander si les suites sont alimentaires. Sans doute, car l’auteur s’est largement grillé à la fin des années 90 en publiant un récit autobiographique sur son supposé enlèvement par des extraterrestres, Communion, adapté au cinéma (encore !) par Philippe Mora, avec Christopher Walken dans le rôle de l’écrivain abducted.
Sur le thème des vampires, Les Prédateurs se distingue des Dracula-like et des mièvreries twilightesques en décrivant la vie non pas d’un mais d’une vampire. Myriam Blaylock est âgée de plusieurs millénaires, qu’elle a passés à se cacher et à survivre en profitant des faiblesses de l’humanité. Elle est d’une beauté irréelle et possède un charisme absolument irrésistible. Ce qui tombe plutôt bien, car elle ne supporte pas la solitude. Elle se choisit donc des compagnons auxquels elle promet une jeunesse éternelle qu’ils ne connaîtront en vérité que pendant quelques siècles de vie, au terme desquels ils se flétrissent comme des fruits secs. Sans toutefois mourir. Son dernier amant et jouet arrivant au crépuscule de son existence, Myriam décide qu’il faut trouver un remède à sa prochaine dégradation physique. C’est ainsi qu’elle s’intéresse aux travaux de Sarah Roberts, spécialiste émérite en gérontologie. Supposant que Sarah ferait une excellente amante et une compagne fidèle pour les prochains siècles, Myriam décide de la séduire…
Dans Les Prédateurs, Whitley Strieber choisit de nous faire partager les états d’âmes de tous les personnages principaux : la prédatrice, l’amant déclinant, la proie et son mari ambitieux. A l’inhumanité des Prédateurs s’opposent donc la peur grandissante et l’incompréhension des victimes potentielles. En cela, le roman est un excellent thriller. L’atmosphère devient vite lourde et l’ambiguïté sexuelle de Myriam participe de l’efficacité du récit, car l’être assoiffé de sang a aussi besoin de l’amour inconditionnel de ses partenaires.
Myriam ne trouvera son âme-sœur que dans le volet suivant, Le Dernier des Prédateurs, mais l’élu est loin d’être conforme à ses attentes. Plus musclé, plus violent, ce deuxième roman perd de sa poésie érotique au profit de scènes pornographiques. D’ailleurs, tout est décuplé ici : le nombre de gardiens (lire vampires), les flashbacks qui renvoient à l’histoire des gardiens et les dialogues complètement idiots. L’intrigue s’articule autour du face à face entre Myriam et le chasseur de vampires, caricature de mercenaire moderne. Mieux encore (ou pire…), on ne peut s’empêcher de ricaner lorsque l’on comprend l’origine du lien unissant les hommes aux vampires.
Mais le grotesque atteint son paroxysme dans le dernier volet, Le Rêve de l’élite, qui décrit en long, en large et en travers le retour de la mère des gardiens parmi les hommes du XXIe siècle. Une plongée sanguinaire dans les feux de l’amour (sans oublier gloire et beauté).
Au final, si Les Prédateurs est un roman indispensable à tout amateur des suceurs de sang, les suites sont tout à fait dispensables.