Kay KENYON
FLEUVE NOIR
336pp - 19,00 €
Critique parue en juillet 2004 dans Bifrost n° 35
Au cours du XXIe siècle, la Terre est ravagée par un virus qui s'en prend à toutes les populations du globe. Toutes, exception faite des Gitans qui, curieusement, semblent être immunisés. Une immunité qui focalise la haine et son cortège de massacres. Sept mille Roms cherchent refuge dans l'espace, en quête d'une planète où ils pourraient vivre en paix. Mais deux cent cinquante ans plus tard, cet Eden n'a pas été trouvé et les descendants des premiers colons, démoralisés, fatigués, stériles, retournent finalement sur Terre. Zoya Kundara, leur leader, leur mémoire, baptisée Mère Vaisseau, seule et unique survivante des temps anciens du fait des miracles de la cryogénisation, va de nouveau être réveillée afin de mener son peuple sur Terre. Là, ils découvrent que les neuf dixièmes du globe sont couverts d'une substance cristalline qui ressemble à de la glace. Pourtant, la Terre n'est pas déserte et ce qui reste de la civilisation se décline en trois groupes : d'une part les Nones des Glaces, détentrices de la technologie ; un certain nombre de communautés souterraines ; et enfin des êtres mystérieux, appelé Sorciers des Neiges, fous et cannibales qui vivent à la surface. Bientôt, Zoya découvre que l'origine de la « glace » date d'à peine cent cinquante ans après leur départ, qu'elle n'est pas vraiment l'objet inanimé qu'elle paraît et qu'il est peut-être possible de communiquer avec elle. La Mère Vaisseau devra batailler pour faire accepter l'arrivée de son peuple et découvrir avant les Nones le secret qui gît au cœur de la « glace »…
Le Sacre de glace est bien un Fleuve Noir, pas de doute. Léger, pas compliqué, intéressant sans être palpitant. Rien d'extraordinaire, pas de signe distinctif : pas de batailles apocalyptiques dans l'espace, pas de races alien ni de voyages intersidéraux. Pas beaucoup d'action, en fait : Le Sacre de glace est un roman qui s'intéresse davantage à l'aspect politique, l'interaction entre les personnes : désirs de pouvoir, de puissance et de domination. Comment on fait le mal en croyant faire le bien, toutes ces sortes de choses… Par contre, côté scientifique, on s'abstiendra d'y regarder de trop prêt : ce n'est visiblement pas le fort de Kenyon. Pas de temps mort, un rythme nerveux, des personnages équilibrés même si l'écrivain a une tendance à la mièvrerie lorsqu'elle aborde les problèmes et les sentiments personnels de ses héros. Kenyon a une vision personnelle de la religion, et elle évite la lourdeur et la solennité que beaucoup d'autres écrivains tendent à développer dans ces cas-là. En fait, à bien y regarder, ce roman n'est ni trop de ceci, ni trop de cela. Pas d'envolée lyrique ni d'idée nouvelle, ce qui en fait une histoire sympathique mais en rien mémorable. Un peu comme un verre d'eau froide en plein été : incolore et inodore, mais agréable et rafraîchissant, bon sur le coup, mais qu'on oublie immédiatement. À mon sens, rien qui justifie une nomination au Philip K. Dick Award…