James ENGE
L'ATALANTE
512pp - 23,00 €
Critique parue en octobre 2010 dans Bifrost n° 60
Sale temps pour le très jeune roi Lathmar : le Protecteur du Trône, malgré son titre, semble résolu à prendre sa place. Heureusement son aïeule Ambrosia, une terrifiante femme sans âge, vient le sauver. Mais il se retrouve vite seul, pour la première fois hors de la protection de son palais, perdu dans la ville qu’il est censé diriger et qu’il découvre. Le frère d’Ambrosia apparaît bientôt comme son unique recours : Morlock le bossu, Morlock le Faiseur, dont le nom même évoque la crainte…
On entre aisément dans ce roman du fait de personnages dans l’ensemble attachants, à commencer par Lathmar, que nous suivons pas à pas. Jeune héritier sans cervelle et sans courage au début de ce récit d’initiation, il prend de l’assurance pour se rapprocher de ce qu’on attend d’un monarque. La vieille Ambrosia ensuite, bougonne et imprévisible, mais prête à tout quand il s’agit de son frère. Le nain Wyrth, aussi, ombre de Morlock, contrepoint joyeux de son ami et maître si morose, si sombre. Morlock, justement, le plus intéressant. On sent que James Enge a une particulière affection pour ce personnage — dont il a d’ailleurs publié plusieurs aventures dans la revue Black Gate. Très âgé, cabossé dans sa chair comme dans son esprit, c’est finalement lui qui s’avère le vrai héros de cette histoire.
Très présent dans tout le texte, l’humour alterne entre la férocité et la plaisanterie de potache, s’exprimant volontiers à travers des joutes verbales souvent bienvenues dans ce monde sombre et violent. Car Le Sang des Ambrose est bien un roman de dark fantasy : les cadavres se ramassent à la pelle… pour mieux revenir sous forme de marionnettes dirigées par on ne sait quel cruel monstre. Par moments, on se croirait presque dans un film signé Romero. L’atmosphère se fait lourde et pesante ; autant de passages qui constituent la principale réussite de ce roman.
Et pourtant, malgré tout, la sauce a bien du mal à prendre. Las, Le Sang des Ambrose se résume davantage à une suite de moments de bravoures qu’à un ensemble entier et cohérent. On saute d’une partie à l’autre sans avoir vu évoluer les personnages. James Enge, plus habitué aux récits courts, échoue à conduire son lecteur du début à la fin sans le laisser ici et là un peu perdu sur le bord de la route. Il faut se forcer pour retourner dans l’histoire. Ce qu’on ne regrette toutefois pas après avoir fait l’effort… Espérons que l’auteur aura su corriger ce travers dans la suite à venir du récit, This Crooked Way (paru en VO en 2009). Car Le Sang des Ambrose demeure un roman agréable à lire, un ouvrage riche de quelques personnages intéressants et d’une d’ambiance propre, qui, s’il ne bouleverse pas les schémas du genre, ne dépare pas non plus dans une production de fantasy surabondante et de qualité plus que fluctuante.