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Les critiques de Bifrost

Le Sang des fleurs

Johanna SINISALO
ACTES SUD
288pp - 22,50 €

Bifrost n° 74

Critique parue en avril 2014 dans Bifrost n° 74

C’est l’histoire d’un père, entrepreneur de pompes funèbres et apiculteur amateur, d’un fils, végétarien et terroriste écologique, et d’un grand-père, propriétaire d’un élevage bovin. C’est une histoire d’hommes écrite par une femme. Nous sommes en 2025, le climat change en Finlande et, comme partout dans le monde, les abeilles disparaissent sans qu’on sache vraiment pourquoi (le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles est à ce jour un phénomène que la science n’a pas expliqué de façon convaincante). Au tout début du roman, le père, Orvo, s’aperçoit qu’une de ses ruches est vide, et dans le même temps il prépare l’enterrement de son fils. C’est le plot. Le contre-plot, c’est le premier puis le second blog de son fils, militant de la cause animale.

Livre un peu ancien, chroniqué ici presque un an après parution, ce Sang des fleurs valait toutefois qu’on s’y attarde pour plusieurs raisons : c’est de la science-fiction, et de la bonne (même si l’auteur en refuse la quincaillerie), il n’y en a pas tant que ça ; et c’est un extraordinaire roman sur le deuil et l’écologie. Deuil d’un père qui répond à l’agonie et de notre planète, et de notre mode de vie de surconsommation criminelle. Si Le Sang des fleurs met bien soixante-dix pages à démarrer, une fois qu’on a compris de quoi il allait être vraiment question, le roman ne se lâche plus jusqu’à ses dernières pages, inoubliables. Roman militant, engagé pour la cause écologique et celle des animaux — Sinisalo cite souvent le Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer —, Le Sang des fleurs ne tombe jamais dans le prêchi-prêcha. L’auteur ne professe pas, confronte les points de vue et évite le cucul la praline et la mort de la mère de Bambi. Roman remarquable servi par une traduction non moins remarquable d’Anne Colin du Terrail, la traductrice attitrée d’Arto Paasilinna, Le Sang des fleurs est à offrir à tous les gros mangeurs de viande rouge qui risquent entre autres joyeusetés un cancer du côlon, sans doute pas le plus sympa de la famille…

Thomas DAY

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