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Les critiques de Bifrost

Le Sang des immortels

Laurent GENEFORT
FLEUVE NOIR

Critique parue en octobre 1997 dans Bifrost n° 6

Verfébro est de ces petites planètes un peu perdues et résolument hostiles. Couverte d'une jungle impénétrable (dont certaines essences d'arbres atteignent plusieurs centaines de mètres de hauteur !), soumise à une Restriction Technologique à la suite de troubles autonomistes fomentés par quelques groupuscules autochtones, les tout puissants cartels multimondiaux semblent se désintéresser du devenir de ce monde qui n'offre, après tout, que de bien faibles perspectives d'enrichissement. Jusqu'à ce qu'on retrouve un pauvre bougre cousu vivant dans un sac de jute huilé et qui, après plus de dix années de ce traitement, respire encore… De là à conclure à l'immortalité, il n'y a qu'un pas. D'autant que les légendes sur le Drac, un monstre vénéré comme un dieu par certains sauvages du fin fond de la jungle et dont le sang, le Soma, rendrait immortel, sont tenaces. Tirer la légende au clair, c'est ce que devront faire quatre aventuriers d'outre monde, découvrir si, oui ou non, le secret de l'immortalité se cache dans l'enfer vert de Verfébro. La traque peut commencer…

Le sang des immortels, c'est avant tout la jungle. Un sujet que Genefort maîtrise parfaitement (on se souvient d'Arago, également au Fleuve Noir), et qu'il a visiblement étudié de très près. Le maître Stefan Wul n'est pas loin, ses forêts de Nôo (en deux tomes chez Denoël) non plus.

C'est aussi une belle démonstration de la part de l'auteur, qui fait tout à la fois preuve d'une grande précision et d'un réalisme consommé dans l'énoncé d'innovations technologiques séduisantes, tout comme, et peut-être même plus encore, dans l'approche descriptive et narrative d'un écosystème aussi complexe que celui d'une jungle extraterrestre. À tel point que le reste, l'essentiel est-on tenté d'écrire, à savoir la trame, l'histoire, apparaît ici moins constitutive du roman que simple prétexte. On conviendra que c'est, malgré tout, un peu plus qu'un détail…

Bon. Genefort nous livre sa version de la quête du Graal ? Et après ? La trame narrative est plutôt simpliste, les personnages d'un piètre intérêt, et pourtant, et pourtant… Genefort sait raconter les histoires, et si celle-ci ne brille pas d'une originalité flamboyante, cela ne la rend pas moins divertissante pour autant. On se laisse aisément prendre au jeu de cette course-poursuite, on oublie la faiblesse générale de l'intrigue pour ne plus goûter que le plaisir d'une histoire simple et dynamique inscrite dans un cadre pour le moins hostile (la jungle, en l'occurrence). Pas de fioritures donc, de redondances et autres figures stylistiques ampoulées, à tel point qu'en fait, plus qu'une petite faiblesse globale de l'histoire, c'est peut-être une certaine froideur d'écriture qu'on pourrait reprocher à l'auteur…

Mais qu'importe en vérité ? Reste après lecture une impression finale : celle d'un roman distrayant, pas un chef-d'œuvre, certes, mais un bon brin de lecture d'aventure S-F C'est déjà pas si mal, non ?

Olivier GIRARD

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