Maxime CHATTAM
POCKET
467pp - 8,60 €
Critique parue en juillet 2005 dans Bifrost n° 39
Marion, bientôt la quarantaine, a aperçu un détail compromettant dans l’institut médico-légal où elle travaille comme cadre administratif, un truc qui pourrait être anodin mais qui, dans cette France troublée de novembre 2005, lui vaut d’être en danger de mort. Après une agression qui lui a laissé la lèvre fendue et une sale peur au ventre, elle est placée par la DST dans une communauté religieuse du Mont-Saint-Michel, le temps que l’affaire se tasse. Alors qu’elle aide un des frères de la communauté à ranger des livres dans la bibliothèque d’Avranches, elle découvre un manuscrit de 1928, la confession d’un policier anglais, Jeremy Matheson, poursuivant une goule tueuse d’enfants dans la région du Caire… Evidemment, l’enquête de 1928 et le sort de Marion vont se retrouver intimement liés.
Inadmissible… Voilà l’adjectif que m’a inspiré ma pénible lecture de ce Sang du temps — roman qui, en ce qui me concerne, bat tous les records de médiocrité littéraire, de roublardise scénaristique et d’approximations historiques. Les récits à ficelles sont légion en littérature policière ou dite d’épouvante, mais ici les ficelles sont si grosses qu’on pourrait en faire des ascenseurs spatiaux, sans parler des nombreuses escroqueries intellectuelles à la Da Vinci Code sur lesquelles le roman repose, paix à son âme. Franchement, il y a de quoi être en colère, mais creusons un peu…
Les lecteurs qui ont lu Les Rivières pourpres de Jean-Christophe Grangé, Transparences d’Ayerdhal et Les Racines du Mal de Maurice G. Dantec le savent, la grande force d’un thriller francophone réussi, c’est de plonger ses lecteurs dans des situations qui n’ont a priori rien d’européennes, tout en jouant sur notre proche géographie, du moins ses présupposés. À ce petit jeu,
Maxime Chattam échoue sur toute la ligne. Rien ne fonctionne dans sa cavale au Mont-Saint-Michel, et puis : quel culot de nous présenter dix lignes du récit de Jeremy Matheson (écrites à la Lovecraft) pour ensuite, tout le reste du roman durant, passer à une narration omnisciente à peine digne d’une copie du bac français notée 10/20. Voilà le genre de livres qui énerve, non pas parce qu’il s’agit d’une série B tellement ratée qu’elle en devient une série Z (l’humour en moins), mais parce que l’auteur, qui semble en avoir les capacités, refuse d’affronter la Littérature, refuse de travailler son texte, préférant le transformer en pitch pour TF1. Maxime Chattam a mal mûri. Après sa trilogie du mal rendant un hommage trop appuyé à Thomas Harris, il vire au « tout commercial » outrancier : ménagère de moins de cinquante ans en danger et mystères égyptiens au programme… Le Sang du temps est un livre creux, ennuyeux surtout, roublard et en fin de compte indéfendable, surtout à vingt euros le bout.