Dans toute bibliothèque qui se respecte, il y a un recoin discret où s'abritent des livres spéciaux, ceux pour lesquels on garde une affection particulière. Ce n'est pas vraiment, ou pas seulement, la qualité qui invite une œuvre en ce recoin car il est un territoire de l'émotion… Ce court roman d'Elia Barcelo a pris place dans mon recoin à moi, sans bruit, avec la discrétion qui convient à l'évidence. Le voilà maintenant parmi des livres de Christopher Priest, le DVD de 2046 de Wong Kar Wai ; « L'Enfant en proie au temps », nouvelle de feu Charles L. Harness ; Le Voyage de Simon Morley de Jack Finney ou le Brigitta d'Adalbert Stifter entre autres…
Considérée comme l'un des plus grands écrivains espagnols de science-fiction, Elia Barcelo avait pu être découverte par le public français dans les page de la revue Antarès, mais c'est avec un court roman intimiste qu'on la retrouve aujourd'hui au catalogue de littérature étrangère d'un grand éditeur parisien en compagnie d'A. S. Byatt, Margaret Atwood ou Doris Lessing pour ne citer que des femmes. Ça situe.
Sans nulle machine, un voyage dans le temps ramène un homme mûr dans la jeunesse franquiste de ses parents et auprès de celle qui, vingt-cinq ans plus tôt, l'initia à l'amour. Traité avec une grande économie de moyens, qui focalisent sur l'essentiel, le livre d'Elia Barcelo nous touche avec sensibilité et profondeur. Il est difficile de rester insensible à ces êtres, Celia et le narrateur, qui se cherchent et s'attendent, ne se trouvant que pour mieux se perdre. C'est une bien belle et touchante histoire d'amour qu'il nous est donné là de lire.
On pourra déplorer un prix si élevé pour un texte si court mais, outre un exceptionnel confort de lecture, la qualité proposée impose de mettre la main au gousset pour accéder à ce vrai moment d'émotion littéraire.