Sylvain NEUVEL
LIVRE DE POCHE
384pp -
Critique parue en janvier 2019 dans Bifrost n° 93
[Critique commune à la trilogie « Les Dossiers Thémis » : Le Sommeil des géants, L'Éveil des dieux et Trop humains.]
Enfant, Rose Franklin tombe dans un fossé et atterrit sur une main gigantesque. La main d’un robot géant. Le reste de son corps a été réparti façon puzzle sur la Terre. Par qui ? Mystère. Devenue adulte, engagée par un homme mystérieux dont on ignore le nom et le rôle réel, elle part à la recherche des autres morceaux. Vu la taille de l’engin, difficile de rester discret. De nombreux pays se montrent intéressés par cette potentielle arme fantastique et apprécient moyennement la mainmise par les États-Unis. Les tensions se multiplient… et les questions restent nombreuses. Seule certitude, cet artefact est d’origine extraterrestre. Comme va le prouver le débarquement de certains d’entre eux sur Terre. Viennent-ils récupérer leur bien ? Ou punir l’arrogance humaine ?
Pour nous narrer ces aventures hors du commun (quoique…), Sylvain Neuvel a choisi une option radicale : du dialogue, du dialogue, rien que du dialogue. Sous forme de conversations ou d’enregistrements de journaux personnels. Autrement dit, une lecture au rythme rapide, des pages vite tournées, sans accroc, sans temps mort. Le procédé semble parfois artificiel, mais l’auteur maîtrise raisonnablement sa technique. Par contre, à la longue, cela lasse un brin. Ajoutez à cela un style fluide, passe-partout….voire inexistant. Sur ce plan-là, c’est sûr : en ce qui concerne le Nobel, c’est raté.
L’histoire, alors ? Efficace à défaut d’être originale. Les robots géants, ça attire toujours les foules — qu’on songe à Goldorak, la série animée inspirée de Go Nagai, par exemple, pour la version vintage, ou, plus récemment, en 1999, au Géant de fer, très chouette long-métrage, lui aussi animé, de Brad Bird, voire encore, en 2013, à Pacific Rim, le blockbuster de Guillermo del Toro, et ses combats de titans en plein milieu des fourmilières humaines… Sylvain Neuvel s’en sort honorablement : ses grosses machines de métal intriguent au début, puis fascinent. D’autant que leur pilotage nécessite des qualités difficiles à réunir. Pour enrober tout cela, l’intrigue tient bien la route sur le premier tome. Sauf qu’elle s’émousse, perd de son tranchant, et finit par décevoir dans l’ultime volume. Le mystère des débuts enthousiasmait. Sa résolution (comme souvent) déçoit. Restent les personnages. Mais là encore, le tiède l’emporte : si certains d’entre eux peuvent se montrer attachants, leur côté caricatural ou déjà-vu finit par agacer. Le mystérieux commanditaire du Sommeil des géants, par exemple, fait irrémédiablement penser à l’homme à la cigarette de la tétralogie de Stéphane Przybylski. Les histoires d’amour sentent plus le réchauffé que la grande passion. Bref, un peu trop de maladresse pour réellement toucher le lecteur.
« Les Dossiers Thémis » constituent donc une trilogie sympatoche (un adjectif qui en dit long sur l’âge du rédacteur de cette critique…), facile à lire et au scénario suffisamment dynamique et simpliste pour faire un succès à l’écran (car, bien sûr, un réalisateur travaille dessus… depuis 2015). Vite lu. Vite oublié. Ni plus ni moins.