À l'époque victorienne, des personnages étonnants se livrent un âpre combat au cœur du mois d'octobre. Il y a là Jack l'Eventreur, le docteur Frankenstein, le comte Dracula, le loup-garou popularisé au cinéma par Lon Chaney, ainsi qu'une sorcière, un druide, un prêtre fou (inspiré de Raspoutine)… Et un peu partout rôde le Grand Détective, qu'on n'aura aucun mal à identifier comme étant Sherlock Holmes sous de multiples déguisements. Tout ce petit monde s'affronte en vue d'Halloween : le but n'est ni plus ni moins que d'ouvrir un passage vers un autre monde, d'où émergeraient les Grands Anciens chers à Lovecraft. Les protagonistes se partagent donc en deux camps : les Ouvreurs, qui veulent créer cette porte, et les Fermeurs, qui veulent l'inverse. Sauf que personne ne sait vraiment à quel camp appartiennent les autres…
L'originalité de ce roman est qu'il est raconté du point de vue des familiers des personnages, et notamment de Snuff, le chien de Jack l'Eventreur. Tous ont en effet un compagnon animal, dont le nom évoque son maître d'une façon ou d'une autre (Bubo le rat pour le docteur Frankenstein, Needle (aiguille) la chauve-souris pour Dracula…) ; ces familiers les aident à préparer les sortilèges qui serviront lors de la nuit fatidique d'Halloween.
Ce choix de narration depuis l'angle des animaux constitue l'originalité, mais aussi le principal point faible de ce livre : on a parfois l'impression de lire le scénario d'un film de chez Disney, même si les meurtres et autres profanations de cimetière viennent contrebalancer cet aspect quelque peu mièvre. Le Songe d'une nuit d'octobre n'est ainsi pas aussi ambitieux que certains autres romans de Roger Zelazny. Tout en participant de la même tendance à se réapproprier la mythologie que Seigneur de lumière ou Royaumes d'ombre et de lumière. Sauf qu'ici, la mythologie abordée est beaucoup plus récente, puisqu'elle consiste en des figures emblématiques des XIXe et XXe siècles. Avec une ombre omniprésente, celle de Lovecraft, grand créateur de mythes. L'approche des mythes choisie par l'auteur reste néanmoins très ludique, et on serait bien en mal d'en tirer une réflexion poussée. Demeure l'évident plaisir — communicatif — de l'auteur à orchestrer ce crossover entre plusieurs personnages emblématiques de la littérature fantastique et/ou victorienne (un peu comme les groupes de super-héros et super-vilains dans les comics Marvel ou DC). Dommage toutefois pour le lecteur français que J'ai Lu n'ait pas repris les nombreuses illustrations de Gahan Wilson ornant l'édition originale, le plaisir de lecture n'en aurait été que plus grand.