Ludovic ALBAR
MNÉMOS
442pp - 20,00 €
Critique parue en avril 2003 dans Bifrost n° 30
Dans un futur d'un manque de crédibilité à faire passer George Lucas pour un grand visionnaire, Lewis Khandra est un militaire qui va être envoyé en mission secrète pour infiltrer le Mouvement Révolutionnaire des Villes d'Ombre, suspecté d'être à l'origine d'un attentat meurtrier sur Mars (style 11 septembre ferroviaire). Comme notre Lewis est un gros lourdaud, ça ne va pas se passer exactement comme prévu…
Quantex fait partie de ces livres-dilemmes dont on voudrait dire le plus grand bien, mais dont on pourrait, sans difficulté aucune, dire le plus grand mal. Démonstration…
Le pour : Quantex est un Dune à la française, un projet littéraire qui ne manque pas de gueule, une sorte de roman ayerdhalien mêlant religion, politique et nouvelles technologies. Deux suites sont d'ores et déjà prévues. La forme de voyage spatial est intéressante (c'est du nimportnawak, mais du nimportnawak intéressant).
Le contre : De temps en temps, ça pue la S-F militariste à plein nez. C'est construit n'importe comment, par couches d'exposition successives, style maquillage à la truelle pour pute quinquagénaire en préretraite. Le récit est mou du nœud, les personnages sont creux, les scènes d'action poussives, on frôle sans cesse l'inondation d'adjectifs. Scientifiquement, c'est n'importe quoi (vous me direz, c'est de la science-fiction… cependant, de là à se bombarder, probablement sans s'en rendre compte, auteur de hard-science, de mettre des théories scientifiques en avant, etc. — voilà de la pseudo-physique plaquée, rien n'a été digéré). Le marsénium est une invention des moins inspirées qui n'a pas la puissance évocatrice de la sainte épice.
« Ne me demandez surtout pas comment fonctionne exactement la propulsion transgémellaire. Je n'en sais rien. Personne n'en sait rien ! Tout ce que je peux vous dire, c'est que le secret se trouve au cœur atomique des cristaux de marsénium. » Page 31. Putain ! ce qu'ils sont forts, les scientifiques du XXXe siècle !
Le summum reste quand même l'habituel florilège made in Mnémos : « Farenheit » au lieu de Fahrenheit, « vingt quatre » sans trait d'union, « Franck Herbert » avé le « c », et j'en passe, tellement la liste est longue.
Ludovic Albar a lu Dune, a aimé Dune (l'épice est devenu le marsénium ; le « voyager sans se déplacer », la propulsion transgémellaire ; tout comme Paul Atréides, Lewis Khandra a perdu son père alors qu'il était encore jeune). Voilà donc un nouvel auteur Mnémos plutôt moins pire que les précédents lauréats (Dorny, Marchika, Karle), un auteur qu'on suivra probablement avec plaisir, quand il se sera débarrassé de ses influences trop prégnantes et qu'il aura compris qu'un récit ne se construit pas en plages d'exposition successives.