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Les critiques de Bifrost

Le Sortilège de Babylone

Le Sortilège de Babylone

Anne RICE
POCKET
388pp - 8,60 €

Bifrost n° 112

Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112

Le Sortilège de Babylone aurait tout à fait pu s’intituler Entretien avec un esprit. Il adopte, comme le premier et fameux roman d’Anne Rice, la forme d’un dialogue : celui que mène un nommé Azriel avec Jonathan Ben Isaac, un universitaire new-yorkais sexagénaire, spécialiste du Moyen-Orient antique. Quant à Azriel, c’est sous les traits d’un jeune homme d’une brune et singulière beauté qu’il se présente un soir d’hiver à l’historien. Dès lors, l’universitaire chenu consigne les propos qu’Azriel lui dispense des heures durant. Or la tâche s’avère à plus d’un titre surprenante pour Jonathan…

Alors que Le Sortilège de Babylone se déroule à la fin du XXe siècle, Azriel révèle être né au vie siècle avant notre ère à Babylone. Alors capitale d’un empire couvrant l’actuel Moyen-Orient, la cosmopolite cité abrite notamment une communauté juive dont fait partie Azriel. Soit une appartenance monothéiste n’empêchant cependant pas le jeune Juif de vouer un culte au dieu poliade de Babylone, Mardouk, après qu’il lui fut apparu. L’étroite relation alors nouée entre la divinité polythéiste et son élu hébreu amènera au terme de force rebondissements à la douloureuse métamorphose d’Azriel en « Serviteur des Ossements » (titre originel du roman). Désormais devenu le plus puissant des esprits peuplant le panthéon syncrétique du Sortilège de Babylone, Azriel s’engage dans une odyssée à travers les âges et les nations. Comptant parmi ses innombrables étapes l’antique cité grecque de Milet, ou bien le quartier juif de la Strasbourg médiévale, le périple plurimillénaire d’Azriel l’amène enfin dans les actuels États-Unis. C’est là qu’il y rencontre donc Jonathan, bien vite convaincu de la véracité des dires du Serviteur des Ossements après qu’il lui a fait la démonstration de ses prodigieux talents. Ceux-là mêmes dont Azriel fera encore usage dans sa lutte contre le Temple de l’Esprit, une secte contemporaine aux ramifications planétaires ourdissant d’inquiétantes menées eschatologiques…

Après les vampires, momies et autres sorcières, c’est donc un nouveau pan de l’Imaginaire qu’Anne Rice réinterprète avec ce Sortilège de Babylone, inventant avec Azriel une chimère au croisement du Judaïsme antique et de la mythologie babylonienne. En combinant deux spiritualités a priori antithétiques, l’auteure reste bien évidemment fidèle à sa manière oxymorique. Il en va de même pour son écriture polymorphe, oscillant entre l’allant du thriller fantastique et le rythme autrement plus posé de la réflexion religieuse. D’abord assez habilement associées à la suggestive évocation des étranges exploits d’Azriel, les considérations métaphysiques vont cependant croissant. Inexorable conséquence : Le Sortilège de Babylone perd de son charme initial et en devient in fine bien lourd. Et l’on peinera donc à l’inscrire parmi les réussites majeures d’Anne Rice…

Pierre CHARREL

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