John VARLEY
DENOËL
576pp - 28,40 €
Critique parue en janvier 2004 dans Bifrost n° 33
Sparky Valentine était un acteur renommé aux quatre coins de la galaxie. Acclamé par tous, public et critiques, il interprétait avec une rare réussite des dizaines de rôles très différents dans des théâtres prestigieux. Pourtant, quand commence le roman, il fait partie d'une troupe de second ordre, qu'il quitte d'ailleurs très rapidement pour s'enfuir sur une autre planète, où personne ne pourra le trouver. Quelles sont donc les raisons qui l'ont poussé — forcé — à renoncer à la gloire ? Et qu'est-il arrivé à son père, grand acteur, comme lui, qui semble avoir disparu de la circulation ?
Ce sont ces questions qui constitueront le moteur du roman, à travers des flash-backs qui, lointains au début, se rapprochent peu à peu de l'époque de la narration. Un procédé efficace qui permet de tenir le lecteur en haleine durant ces six cents pages, même si parfois sa vaillance faiblit. En effet, Sparky Valentine décrit par le menu détail tout ce qui lui arrive, du plus futile au plus sérieux, avec force digressions. Cela nous le rend sympathique au plus haut point, mais ne fait pas nécessairement progresser l'intrigue. Heureusement, le style de Sparky est vivant et imagé, et les péripéties suffisamment improbables et cocasses pour éviter l'ennui. De plus, il s'adresse régulièrement au lecteur, à travers de nombreux clins d'œil qui sont autant de considérations de Varley sur son métier d'auteur.
Le roman est également un hommage à Shakespeare. Le répertoire du dramaturge de Stafford-on-Avon est fréquemment sollicité ici : Sparky et ses amis interprètent des pièces du grand William, et les références aux personnages et situations qu'il a créés abondent. Varley a même découpé son livre en cinq actes, bien que ceux-ci soient assez artificiels au regard des règles d'unité de temps, de lieu et d'action. C'est même tout le contraire, le roman se déroulant sur plusieurs planètes, et sur une durée de vingt ans. Bref, l'ombre de Shakespeare s'étend sur tout le livre ; mais pouvait-il en être autrement pour un roman sur le théâtre ? On pense ici inévitablement à Fritz Leiber, et à son cycle de la Guerre Modificatrice, qui se déroule pour bonne partie au sein d'une troupe itinérante (cf. par exemple Les Racines du passé). Précisons pour terminer que le titre original est The Golden Globe, référence beaucoup plus évidente à Shakespeare que Le Système Valentine, titre plus fade.
Avec ce roman, qui fait partie du cycle « Eight Worlds » (« Huit Mondes ») mais peut se lire indépendamment, John Varley nous gratifie d'un ouvrage original qui, à défaut d'être inoubliable, se lit avec plaisir. On lui préférera toutefois ses nouvelles (notamment celles de Persistance de la vision — Folio « SF » n°17), qui sont de véritables chefs-d'œuvre.