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Les critiques de Bifrost

Le Tango des ombres

Le Tango des ombres

Jean-François SEIGNOL
ÆTHALIDÈS
250pp - 18,00 €

Bifrost n° 107

Critique parue en juillet 2022 dans Bifrost n° 107

Le Tango des Ombres est un recueil de cinq nouvelles, dont quatre inédites, qui per­met à son auteur de croiser deux passions, le tango et les littératures de l’Imaginaire.

Dans la nouvelle éponyme, il met en scène un monde post-apocalyptique où l’énergie, devenue rare, ne permet plus à tout un chacun d’avoir accès aux mémoires numériques de notre temps. Seul le régime politique en place peut en user pour maintenir sa terreur, et lutter contre ceux qu’il identifie comme des terroristes. Emilio, enquêteur au C-Sub, sorte de police politique, a pour mission d’in­filtrer un groupe supposé de ces terroristes, qui se réuniraient dans un club pour se livrer à une danse dont tout ou presque a disparu – le tango. Emilio va découvrir conjointement la danse et les motivations de ses pratiquants, jusqu’à une ultime révélation finale sur l’intelligence collective des danseurs. « La Nuit où tu m’aimeras » met en scène un sortilège de séduction construit autour de la figure mythique du chanteur Carlos Gardel. « Candombe » nous entraîne au sein d’une exoplanète sur laquelle se trouvent des ressources naturelles abondantes, dont des arbres-tambours mystérieux et des lianes qui vivent en symbiose avec eux, les capi. Comment la nature de cette planète va-t-elle résister à l’exploitation éhontée qui la me­nace ? Le secret réside dans une mystérieuse vibration du végétal… « Paso Doble » prend sa source dans le nom même de la danse et met en scène un jeune tanguero en prise avec son double sur les pistes de danse. Enfin, « Le Flot » raconte l’histoire de deux scientifiques, un homme et une femme, tous deux amoureux et amateurs de tango, en expédition aux confins du trou noir au centre de notre galaxie, pour tenter de percer le mystère du temps.

Sans surprise, car consacré à la musique et à la danse, ce recueil mêle sensibilité artistique et précision scientifique, sensualité et rigueur de la quête intellectuelle, sans oublier de soigner son rythme en alternant anticipation futuriste et fantastique ancré dans notre monde. Mais il n’était pas aisé de venir à bout de cette gageure consistant à allier un art exigeant et pas toujours facile d’accès à des considérations très modernes, aussi bien écologiques (surexploitation et épuisement de la nature, lien à construire avec elle), politiques (la question du genre, notamment, que pose à sa façon avec tant de justesse le tango, traverse tout le recueil) que scientifiques, telles que l’intelligence artificielle ou encore la gravitation quantique. Le projet de fond, au-delà de la satisfaction personnelle de son auteur de marier ses passions, semble de faire dialoguer des domaines bien trop cloisonnés de nos jours, en montrant comment ils peuvent s’éclairer l’un l’autre, dans une perspective humaniste affichée. La dernière nouvelle, la plus courte, la moins accessible, peut-être, mais aussi à mon sens la plus poétique, illustre cela à merveille en proposant l’exploration de l’inconnaissable par la mise en scène d’un couple de danseurs qui vont se fondre avec l’espace et le temps dans un tango infini…

Pour servir ce projet, la forme joue un rôle primordial, et Jean-François Seignol l’a soignée : tous les récits sont menés de façon très claire, les personnages campés avec ef­ficacité, l’ambiance polar accompagne très judicieusement certains textes. Un volume autant qu’un projet à découvrir !

Arnaud LAIMÉ

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