Garry KILWORTH
MNÉMOS
318pp - 21,50 €
Critique parue en juillet 2007 dans Bifrost n° 47
Des années ont passé depuis le voyage initiatique du roi Tangiia sur l'île de Rarotonga. L'ambitieux Kieto, alors enfant, a bien grandi. Il veut reprendre la mer, son destin le poussera à conquérir Albainn, la mystérieuse terre de Brume où vivent les hommes blancs, c'est écrit dans les étoiles. Mais pour mener à bien cette quête, il doit apprendre à combattre. Sous prétexte de guider le prince Ru dans un voyage d'exploration, il entraîne donc ses anciens compagnons d'aventure (les Picts Seumas et Dorcha, l'inverti Hommefemme) à la recherche de la tribu des Maoris, qui possède l'art de la guerre.
On retrouve avec curiosité et plaisir les personnages du cycle des Rois navigateurs (critique du premier opus in Bifrost n°45) dans d'épiques tribulations, entre vieilles inimitiés et nouvelles rancunes. Kilworth mène de front trois intrigues parallèles, inégales en longueur et en intérêt : la quête de Kieto et consorts ; les menées du prêtre maléfique Ragnu, acharné à faire échouer cette expédition ; l'errance du jeune Kumiki, qui veut retrouver son père Seumas pour le tuer. C'est l'occasion d'une seconde plongée dans l'univers charnel, coloré, des Polynésiens, l'auteur continuant de restituer savamment les contrastes de la civilisation, de la culture océanienne. Mais s'il renouvelle sa matière avec un sens certain de la démesure et du spectaculaire, les diverses intrigues s'épuisent en développements répétitifs, les excès virent à l'automatisme, le récit finissant par tirer quelque peu en longueur. De stations en stations, les héros explorent, massacrent mécaniquement ogresses, harpies, bêtes malignes, peuple de morts-vivants, sont confrontés à divers envoûtements et autres interventions divines : jusqu'à l'ultime rivage où on n’est pas plus avancé. Dommage que Kilworth n'ait pas cherché à creuser deux ou trois bonnes idées (la terre parallèle des maoris, la lutte des géants colorés de Rapa nui).
Un deuxième tome de mise en place ou de transition, comme on voudra, avant la conclusion du cycle dont quelques éléments glanés çà et là dans le récit laissent imaginer qu'elle sera plutôt brutale.