Avec Le Temps du déluge, Margaret Atwood nous propose à nouveau un récit d’anticipation post-apocalyptique, et puisque c’est à la mode, disons-le, une nouvelle dystopie, dans la même veine que La Servante écarlate et Le Dernier homme, dont on retrouve ici certains personnages.
Balayée par le « Déluge des Airs », l’humanité a été décimée. Le monde pullule maintenant d’espèces génétiquement modifiées et seules deux jeunes femmes semblent avoir survécu. Toby, qui se cache dans un centre de balnéothérapie, et Ren, enfermée dans le bordel de luxe où elle était danseuse trapéziste. Toutes deux s’étaient rencontrées au sein de l’étrange secte écolo-religieuse des Jardiniers de Dieu, dirigée par le mystique Adam Premier. A l’époque, le monde « exfernal » était déjà totalitaire, régi par une entreprise de sécurité qui avait pris le pouvoir, le CorpSeCorps. Des communautés s’organisaient pour sortir des Plèbezones, lieux de débauches sexuelles, de trafic de drogues, de mutations transgéniques et autres déchéances. Au gré des souvenirs de Ren et Toby, nous suivrons leur quête de survie, avant et après l’apocalypse. Salué par la presse internationale (The Times, USA Today, The San Francisco Examiner…), cet ouvrage n’en reste pas moins difficile à chroniquer. Seule certitude, Margaret Atwood est sans conteste un auteur brillant et sa dernière production ne peut souffrir d’aucune critique d’un point de vue littéraire stricto sensu. Ce qui ne signifie pas que ce texte soit simple… D’abord par sa construction narrative, alternance de souvenirs des protagonistes, de scènes du présent, de sermons d’Adam Premier et d’extraits du Livre des cantiques des jardiniers de Dieu. Pas la construction la plus évidente d’accès… Ensuite, par le choix de structures langagières pour le moins déroutantes. Margaret Atwood est une créatrice de langage. C’est à la fois fascinant et troublant. D’aucuns pourraient être rebutés, voire irrités, par tant de néologismes et de termes inventés : zécâlines, plèbegang, zécailles, spasolaire, liogneaux, porcons, malchatons… Une prise de risque linguistique de la part de l’auteur qui lui fermera sans doute les portes d’un certain lectorat, tant il est difficile d’entrer dans cet univers décalé. Il faut s’accrocher pour dépasser les cent premières pages ! (Petites parenthèses pour saluer le travail de Jean-Daniel Brèque, qui a dû bien s’amuser à traduire cet ouvrage à l’écriture délirante.) Difficile à chroniquer, donc. Parce que oui, Margaret Atwood est visionnaire, oui, elle est talentueuse, et oui encore, son regard cynique sur les dérives du fanatisme religieux et sa relecture de la Genèse s’avèrent jubilatoires. Mais aussi parce que l’on a parfois l’impression désagréable que l’auteur se regarde un peu trop écrire. Dans le présent ouvrage, c’est pesant. Beaucoup de digressions, de passages dont on aurait pu faire l’économie, sans parler d’une tendance New Age horripilante. Apparemment, tout le monde aime Margaret Atwood. Pour notre part, on ressort de cette dernière lecture plutôt dubitatif. A vous de voir…