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Les critiques de Bifrost

Le Tournoi des preux

Jean-Philippe JAWORSKI
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
528pp - 28,00 €

Critique parue en avril 2023 dans Bifrost n° 110

Si, à force de digressions éditoriales, Jean-Philippe Jaworski en deviendrait presque difficile à suivre, il faut admettre qu’une nouveauté signée de sa plume demeure un rendez-vous. Après avoir quitté un temps le Vieux Royaume (Janua Vera, Gagner la guerre, Le Senti­ment du fer) pour conter les péripéties des frères bituriges (la saga des « Rois du mon­de »), le voici de retour au bercail dans un récit débordant d’a­mour courtois. Loin de la gouaille d’un Benvenuto ou de l’irrévérence d’un Bel­lovèse, le lecteur est invité à plonger dans un décor moyenâgeux et chevaleresque (qui résonne d’ailleurs fortement avec la nouvelle « Au service des dames ») où les familiers du Vieux Royaume devraient sans mal retrouver leurs repères. Notons d’emblée qu’il s’agit du premier tome d’un récit devant paraître en trois parties, le deuxième volume étant annoncé pour juin 2023.

L’intrigue gravite autour d’un tournoi destiné à rétablir l’honneur d’une femme répudiée suite à une accusation d’adultère. Les tractations autour de sa libération entrainent tout un parterre de chevaliers à prendre parti, dont Ædan de Vaumacel, tenu pour responsable de sa déchéance et à qui l’on reproche de ne l’avoir pas défendue lors de son procès. Celles et ceux qui auront déjà eu le plaisir de lire Jean-Philippe Jaworski reconnaîtront sans peine ses points forts. La plume toujours extraordinairement précise et d’une grande richesse, l’auteur fournit des descriptions superbes de ses environnements – bien qu’un peu longuettes – et articule de succulents dialogues. Un soin tout aussi rigoureux est apporté aux éléments devant forger la crédibilité du récit, depuis la description des pièces d’armure jusqu’aux mœurs d’époque, dans un souci minutieux du détail qu’on lui connaissait déjà dans « Rois du monde » — immersion garantie. Jaworski rappelle aussi quel formidable conteur il est, son appétence pour les histoires dans les histoires, et sa capacité à varier les points de vue pour moduler sa matière narrative avec une grande justesse. Enfin, les nostalgiques du Vieux Royaume seront heureux de retrouver ici le goût de l’auteur pour les querelles personnelles tissées d’enjeux politiques.

Bien que le sujet le justifie, on regrettera malgré tout le peu de verve de certains protagonistes, voire un manque de panache dans un récit s’attachant à des personnages pour la plupart trop lisses pour s’avérer réellement intéressants. Il convient ici, à l’instar de l’auteur, d’avoir en af­fection cet univers et ses codes – ou au moins le désir de les dé­couvrir – pour pouvoir pleine­ment s’y plonger, auquel cas le pari est réussi haut la main et sans surprise. Pour les autres, dont l’intérêt reste tout entier à conquérir, la partie sera peut-être plus difficile, malgré les qualités indiscutables de son maître d’œuvre et l’exécution impeccable de l’exercice.

Camille VINAU

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