Alfred BESTER, Roger ZELAZNY
J'AI LU
220pp - 5,00 €
Critique parue en janvier 2003 dans Bifrost n° 29
Étrange objet que ce Troqueur d'âmes, à bien des égards. D'abord parce qu'il est doublement posthume. Entamé par Alfred Bester, avant qu'il ne disparaisse en 1987, il fut achevé par Roger Zelazny, mort en 1995, et parut finalement en 1998 aux Etats-Unis. Étrange surtout par son contenu, totalement foutraque, et détonant franchement au sein de la production S-F actuelle.
On s'épargnera la peine de résumer une intrigue à ce point déjantée, tout juste en posera-t-on les bases : Alf, journaliste au Rigodon, est envoyé à Rome pour enquêter sur une étrange boutique où, comme il le découvrira rapidement, des hommes de toutes les époques se rendent pour y exaucer leur vœu le plus cher ou se débarrasser de leurs tares les moins avouables. Parmi la clientèle, on croisera Edgar Allan Poe, Beethoven ou Cagliostro. Et d'autres créatures beaucoup moins définissables. Les protagonistes de ce récit sont nombreux, et ne sont pas forcément ce qu'ils semblent être, voire ce qu'ils pensent être. Les événements se succèdent à une vitesse effarante, les lieux et les époques se succèdent, se superposent, et le lecteur se sent rapidement aussi perdu que le héros.
L'intrigue du Troqueur d'âmes n'est pas sans évoquer le van Vogt de la grande époque : un bordel absolument pas maîtrisé, trois idées par page, généralement pas développées, et une cadence qui ne faiblit pas. Les personnages en revanche, et les dialogues surtout, portent bien la marque de Bester et de Zelazny. Truculents, érudits et cyniques, ils s'affrontent en des joutes verbales ma foi pas déplaisantes.
L'histoire semble parfois n'avoir ni queue ni tête (même si les auteurs retombent in fine sur leurs pattes), nombre des épisodes contés sont absolument gratuits et ce roman est définitivement à classer parmi les œuvres les plus mineures de ses progéniteurs. On n'ira pourtant pas jusqu'à déconseiller sa lecture.