À la Nouvelle-Orléans, un drame vient d’avoir lieu : Triana Becker a perdu son second mari, Karl, mort du sida. Par amour et/ou démence, elle reste enfermée seule avec lui pendant deux jours, avant que la famille débarque. Seule ? Pas vraiment, car Triana éprouve une passion dévorante pour Beethoven, Mozart… Dès le début, on comprend que la musique sera un personnage à part entière du roman. Lorsque la famille arrive, on découvre une version dark des Quatre Filles du Dr March : Triana l’aînée est la femme banale, sans don, aux goûts macabres. La cadette, Rosalind, est la gentille, rondelette et alcoolique. Katrinka, la troisième, est la beauté fatale, mal dans sa peau, orgueilleuse et vénale. Quant à Faye, la petite dernière, la fragile, c’est la disparue, l’ombre qui plane au-dessus de cette sororité à l’enfance difficile (père dur, mère alcoolique). Le passé et la famille ont une importance capitale pour Triana qui est, disons-le, la reine de la culpabilité mal placée.
Alors qu’elle écoute sa musique, allongée sur le sol, pour oublier le monde, le chant magnifique d’un violon va se faire entendre. Celui qui va devenir son violoniste fait alors son apparition. Bien que visible par tous, il n’est pourtant pas ce qu’il paraît. Dans les 200 ans, beauté ensorcelante, doué du don de la musique, élève d’un grand maître… Stefan a tout pour lui, mais… c’est un fantôme et il a jeté son dévolu sur Triana ! À partir de cette rencontre hors norme, c’est une valse tragique, malsaine, qui va s’initier entre eux, haine et amour, désir et rejet. Il devient difficile de savoir qui traque l’autre, où est la folie, où est le fantasme. De la Nouvelle-Orléans à Rio en passant par Vienne, ce couple irréel va parcourir son passé à travers ses pires souvenirs, l’un voulant attiser la culpabilité et la folie, l’autre souhaitant comprendre et sauver.
On oublie souvent (à raison) qu’Anne Rice ne se réduit pas aux « Chroniques des vampires » et aux « Sorcières Mayfair ». En parallèle de ces sagas cultes, de petits ovnis parsèment sa bibliographie, dont ce Violon publié en 1997.
Dans ce bref roman, présenté comme le témoignage direct de Triana, nous retrouvons des éléments chers à l’autrice : le gothique des décors, la décadence, la folie, l’érotisme, la foi, la mélancolie et la poésie morbide qu’elle met dans les relations entre ses personnages. Mais… on ne va pas cacher le fait que la lecture du Violon n’est pas passionnante, le livre risquant fort de vous tomber des mains. Il faut au moins passer les six premiers chapitres avant que l’action commence enfin, six chapitres lourds, répétitifs, larmoyants, qui sonnent parfois comme du mauvais Shakespeare. Une fois passé ce cap, on commence à y prendre un peu plaisir, d’autant que les sujets abordés s’avèrent tout de même intéressants : sida, lutte contre l’alcoolisme et ses conséquences violentes, perte d’un enfant, culpabilité, obsession, confiance en soi…
Tout n’est pas à jeter dans ce Violon, à la seule condition de trouver la motivation pour ne pas refermer le livre !