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Les critiques de Bifrost

Le Visage dans l'abîme

Le Visage dans l'abîme

Ned DAMERON, Robert SILVERBERG, Thierry FRAYSSE, Abraham MERRITT
CALLIDOR
520pp - 26,00 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

Comme l’écrit Robert Silverberg (pas moins !) en ouverture de ce volume édité par Callidor et réunissant « Le Visage dans l’abîme » (1923) et La Mère-Serpent (1930), l’auteur de ces nouvelle et roman est « aujourd’hui tombé dans l’oubli ». En son temps, Abraham Merritt (1884-1943) fut pourtant, si l’on suit toujours R. Silverberg, « le plus populaire des auteurs de fantasy du xxe siècle. » Figure majeure de la littérature diffusée par les pulp magazines, voyant ses romans vendus « à des millions d’exemplaires au format poche », Merritt fut encore admiré par ses pairs, notamment H. P. Lovecraft. Ainsi, c’est à une (re)découverte a priori fort stimulante qu’invite cette généreuse « édition du centenaire », ajoutant aux éléments susdits un troisième et bref texte (« Quand les anciens dieux se réveilleront », le fragment d’une suite inaboutie du « Visage dans l’Abîme ») et une postface documentaire, agrégeant force archives et illustrations. Et c’est donc peu d’écrire que l’attente est grande pour le néophyte quant à Merritt, tandis que débute sa lecture du diptyque des aventures de Nicholas Graydon…

Tel est en effet le nom du protagoniste de la nouvelle « Le Visage dans l’abîme ». Soit un jeune et entreprenant ingénieur des mines ayant quitté ses États-Unis natals pour aller trouver fortune sur les hauteurs péruviennes, espérant y débusquer avec trois associés guère scrupuleux les richesses du dernier empereur inca. D’abord placée sous les auspices d’une exotique chasse aux trésors un brin hard-boiled, l’aventure se mue bien vite en une singulière odyssée lorsque leur route croise celle d’une jeune femme à l’étrange séduction. Comme jaillie de nulle part en ce coin désolé des Andes où le quatuor s’est enfoncé, Suarra (ainsi dit-elle s’appeler) détone d’autant plus que son corps sculptural s’orne de bijoux d’or pur, rehaussés de pierreries pareillement précieuses. C’est elle qui les entraînera bientôt dans une contrée andine n’ayant jamais figuré sur la moindre carte, habituellement protégée qu’elle est des incursions extérieures par des sentinelles encore plus surprenantes que Suarra. Le monde perdu que découvre dès lors Graydon achève d’inscrire « Le Visage dans l’abîme » dans le champ sans cesse étendu d’un Imaginaire débridé. D’une séduisante exubérance narrative, la nouvelle ébauche une relecture tantôt SF, tantôt fantastique (et parfois les deux en même temps !) de la classique geste chevaleresque. Et que le (gros) roman qu’est La Mère-Serpent déploiera à la manière d’une véritable saga, d’autant plus entraînante que l’écriture de Merritt s’y avère aussi efficace que dans « Le Visage dans l’abîme ».

C’est, in fine, une très réjouissante rencontre littéraire qu’offre Callidor avec cette réédition à celles et ceux qui sont en quête de grandes et baroques aventures…

Pierre CHARREL

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