Non, George R. R. Martin n’est pas « que » l’auteur de l’interminable saga du Trône de fer. Il y a de cela longtemps, dans une lointaine galaxie, il fut également un auteur de science-fiction et de fantastique tout ce qu’il y a de recommandable, particulièrement doué pour la forme courte (si, si). En témoigne la novella « Le Volcryn », prix Locus 1981, aujourd’hui rééditée par ActuSF dans sa toute nouvelle toute belle collection « Perles d’épice », sous une jolie couverture de Lasth.
Le propos n’est a priori pas des plus originaux. Karoly d’Branin, tel un capitaine Achab des temps futurs, a une obsession : les volcryns, une race extraterrestre semi légendaire qui parcourrait la galaxie depuis la nuit des temps à bord de gigantesques vaisseaux subluminiques. Ayant enfin obtenu des financements pour étudier de près les fascinants extraterrestres, voire entrer en contact avec eux, il réunit une dizaine de chercheurs puis loue l’Armageddon, le vaisseau du commandant Royd Eris. C’est le grand départ pour l’inconnu…
Mais une ambiance oppressante s’installe assez rapidement. La faute en incombe sans doute pour une bonne part à l’énigmatique Royd Eris, qui refuse d’apparaître en personne auprès de ses passagers, ne communicant avec eux que sous la forme d’un hologramme… Quant au télépathe de l’équipe, Thale Lasamer, il a tôt fait de sombrer dans la paranoïa, prétendant qu’on les observe et qu’une menace rode… et ses collègues se font de plus en plus réceptifs à ce discours, tandis que le voyage se prolonge et que le mystère Royd Eris reste entier. Et, bientôt, il y aura un mort… le premier d’une longue série.
« Dans l’espace, personne ne vous entendra crier », comme le disait si bien un film à peu près contemporain, auquel on ne pourra s’empêcher de penser à la lecture du « Volcryn ». C’est que tous les ingrédients en sont réunis : huis-clos dans l’espace, mélange de science-fiction et d’horreur, « distribution » limitée mais haute en couleurs, non-dits abondants… Rien d’étonnant à ce que la no-vella de George R. R. Martin ait été à son tour adaptée au cinéma (pour un résultat paraît-il médiocre, mais votre serviteur ne peut pas se prononcer, n’ayant pas vu la bête…). Elle possède à vrai dire tout ce qui fait la proverbiale bonne série B.
Et le fait est que l’on dévore ce court roman avec un grand plaisir, quand bien même certaines ficelles peuvent aujourd’hui prendre l’allure d’énormes cordages. Mais George R. R. Martin était déjà un conteur de grand talent, capable d’embarquer son lecteur avec une aisance exemplaire, et de ne plus le lâcher jusqu’à la dernière page.
Alors, certes, on pourra bien émettre quelques critiques ici ou là, outre le côté un peu convenu, a fortiori aujourd’hui, de la chose, sur certains personnages à peine esquissés (là où d’autres, en contrepoint, sont tout à fait fascinants, Royd Eris en tête, bien sûr, mais aussi le « modèle perfectionné » Melantha Jhirl), ou sur le style purement fonctionnel (mais néanmoins très efficace), mais ne boudons pas notre plaisir : « Le Volcryn » se lit tout seul avec un bonheur constant, et on n’en demandait pas davantage.