Née en 1962, Solvej Balle a étudié la littérature et la philosophie à l’Université de Copenhague avant de se lancer dans sa carrière d’écrivaine. En France, elle compte un ouvrage traduit, En vertu de la loi, Quatre récits sur l’homme (Gallimard, collection « L’Arpenteur », 1997). La série « Le Volume du temps » est composée de sept volets, dont cinq ont déjà été publiés en version originale, sachant que les trois premiers ont reçu le Nordic Council Literature Prize, en 2022, signe du succès critique et populaire au Danemark du cycle, ce qui a conduit à leur traduction dans plus de vingt langues. Les deux premiers opus, qui nous occupent ici, viennent d’être édités par les éditions Grasset.
Tara Selter et son mari, Thomas, vivent dans un petit village français où ils gèrent ensemble une boutique en ligne spécialisée dans les livres anciens. Lors d’un voyage à Paris pour élargir leur collection, Tara se trouve inexplicablement piégée dans une boucle temporelle, où le 18 novembre se répète sans fin. Thomas, ignorant de cette étrange anomalie, ne peut comprendre la détresse de Tara qui, chaque jour, tente de lui expliquer son calvaire. Épuisée, Tara décide de s’isoler dans la chambre d’amis, où elle commence à consigner ses pensées et ses expériences.
Le premier tome de son journal, allant de la 121e à la 366e journée, détaille son désespoir croissant et son éloignement progressif de Thomas. Confrontée à des circonstances extraordinaires, elle oscille entre résignation et désir de comprendre dans l’espoir d’une issue à cette énigme temporelle. À travers ses notes, Tara explore les notions de perception du temps, les relations de couple et des routines quotidiennes, ainsi que les sentiments de perte et de deuil. Elle semble être un fantôme errant, sans but, dans un monde figé.
Dans le deuxième volume, s’étendant sur plus de trois années, Tara prend une décision radicale : quitter sa maison pour entreprendre un voyage à travers l’Europe.
Chez ses parents, elle improvise un repas de Noël anticipé, comme un adieu symbolique, avant de commencer son périple à la recherche de différentes saisons, explorant les régions du Nord pour l’hiver, l’Angleterre pour le printemps et l’Espagne pour l’été. Malgré ses efforts, le temps refuse de reprendre son cours normal. Elle se tourne alors vers l’étude de la civilisation romaine, en quête de réponses à sa propre stagnation temporelle.
Solvej Balle explore ici la manière dont les individus perçoivent le temps, à travers le vieillissement et son inéluctabilité, en se concentrant sur le ressenti subjectif de Tara confrontée à l’absurdité de sa situation. La narration resserrée sous forme de journal intime, avec son aspect répétitif et contemplatif, ainsi que la sensation d’oppression que la boucle temporelle génère, nous plongent dans une atmosphère étouffante, loin du ton doux-amer du film Un jour sans fin de Harold Ramis. La dernière entrée du journal propose un cliffhanger, probablement destiné à relancer, de manière artificielle, l’attention. Néanmoins, on peut légitimement se demander si les perspectives qu’il ouvre suffisent à justifier l’investissement dans la lecture de ces deux premiers volumes.