Ce qui nous immerge dans le présent, ce sont les multiples fils que tissent l'environnement, l'architecture des bâtiments, le langage, les objets… Les rompre, en reconstituant l'atmosphère et le décor d'une époque révolue, en s'imprégnant du passé, permet de voyager vers ce passé. C'est ainsi que Simon Morley, dans le cadre de recherches secrètes du gouvernement américain, effectue plusieurs missions dans le New York de 1882. Il s'isole dans un immeuble de l'époque, y vit comme un citoyen du XIXe siècle jusqu'à ce que, se sentant prêt, il effectue ses premiers pas à l'extérieur…
Au cours de ces voyages, Simon tente d'élucider le mystère du suicide de l'aïeul de son amie Kate, ce qui l'amènera à découvrir des malversations inconnues des historiens. Il tombe également amoureux de Julia, la jeune fille de la pension où il est descendu.
Malgré la minceur de l'intrigue, l'intérêt est soutenu de bout en bout grâce à la richesse des détails restituant la fin du XIXe siècle à New York. Chaque événement permet de mesurer à quel point la société a changé. Le comportement, les modes de pensées, la psychologie des gens de l'époque sont par moments aussi éloignés des nôtres que ceux d'un extraterrestre, ce que Simon paraît être parfois. Malgré son imprégnation de l'époque, il commet de menues erreurs — ainsi quand il exécute le portrait de Julia, portrait qui déroute car les traits de son esquisse ne se touchent ni ne se ferment, ce qu'un œil du XIXe siècle est incapable d'interpréter comme étant un dessin réussi.
La lecture de ce roman abondamment illustré est un réel bonheur. Les descriptions dont il fourmille ne sont en rien pesantes, au contraire : elles constituent la matière même du livre. Grâce à elles, l'imprégnation est totale. C'est le lecteur qui, désormais, voyage dans le temps.
Ce roman de Jack Finney qui a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1994, a depuis été suivi d'un autre, Le Balancier du temps, tout aussi passionnant. Sa réédition s'imposait.