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Les critiques de Bifrost

Légendaire

Légendaire

Stéphane MARSAN, Mathieu GABORIT, Fabrice COLIN, Laurent GENEFORT, Nathalie DAU, Erik WIETZEL, Pierre GRIMBERT, Sabrina CALVO, Isabelle COLLET, Laurent KLOETZER, Roland C. WAGNER, Magali SÉGURA
MNÉMOS
322pp - 15,09 €

Bifrost n° 15

Critique parue en novembre 1999 dans Bifrost n° 15

« J'aime la fantasy. Je veux dire, je l'aime vraiment. »

 C'est par ces mots simples que Stéphane Marsan fait débuter sa préface. Le message est clair, à tout le moins.

Là où l'anthologie éponyme du Fleuve Noir se voulait à la fois le manifeste et l'acte de naissance d'une fantasy française, Légendaires affiche des ambitions en apparence plus modestes : donner à lire des nouvelles d'auteurs révélés par Mnémos, associés à cette même maison d'édition, voire en passe de l'être. (Deux débutants, en fait des débutantes, viennent grossir les rangs des auteurs plus confirmés.) On trouve ici onze textes, souvent longs. Voyons un peu…

Je n'ai trouvé strictement aucun intérêt aux récits de Pierre Grimbert et Laurent Genefort. Le premier a pour seul mérite sa brièveté (que devient l'auteur, peu original mais plein de verve, du Secret de Ji ?) ; le second pêche par des tics d'écriture agaçants et par une intrigue banale cent fois vue et revue. Ce sont les seuls vrais ratages, à mon sens.

Nathalie Dau, une des deux nouvelles venues, a elle aussi choisi des sentiers rebattus, mais elle mène « Contre-magie » avec un certain aplomb : un auteur à suivre, quand elle aura trouvé sa voie et sa voix. J'en dirai autant d'Eric Wietzel, dont « Bien-être, travail envié » aborde des thèmes que la fantasy néglige souvent (l'horreur de la guerre et de ses à-côtés tels que camps de prisonnier, torture et génocide) ; sans un style abscons et une certaine emphase dans le traitement (ce texte aurait gagné à être plus court de trente pour cent, il me semble), on tenait là un bon récit, au moins.

De même, Isabelle Collet, avec « Yèrne », rate de peu la cible, car cette histoire d'univers parallèles et de magiciens tisserands trahit des influences de Zelazny et de Barker encore trop mal digérées – l'écriture nerveuse et moirée, les personnages surprenants et l'ambition de l'intrigue rachètent presque ces défauts, toutefois. Quant à Roland Wagner, s'il livre une pochade qui ravira les amateurs de fables décalées, on ne saurait considérer « Pour une poignée de cailloux » comme ses vrais débuts dans la fantasy. Ce sera sans doute pour une prochaine fois.

Magali Ségura, dont c'est la première parution, livre avec « Contre la fatalité » un court roman certes classique, qui lorgne sans doute trop du côté de Moorcock ou Leiber, mais le panache de l'intrigue, la subtilité des personnages et la maîtrise de son style rachètent ce défaut. Voilà en tout cas une signature prometteuse.

Mathieu Gaborit, avec « Songe ophidien », Fabrice Colin, avec « Forgiven » et David Calvo, avec « La nuit des labyrinthes », confirment tout le bien que l'on pense d'eux. Mention spéciale au polar floral gonzoïde de Calvo, ode (et élégie ?) à la ville de Marseille.

Enfin, pour moi, Légendaires compte un chef d'œuvre, « Mademoiselle Belle », de Laurent Kloetzer, croisement improbable et jouissif entre L'année dernière à Marienbad, Les chasses du comte Zaroff et Les liaisons dangereuses. Le style est magnifique, la structure élégante, le cadre inhabituel – aucun défaut, c'est du premier choix.

Bref, une anthologie de bonne tenue, très fournie (mais aux pages peut-être un peu denses) où chacun trouvera son compte. S'il fallait un vrai manifeste à la fantasy française, le voici.

Pierre-Paul DURASTANTI

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