Michael MCDOWELL
MONSIEUR TOUSSAINT LOUVERTURE
520pp - 12,90 €
Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114
L’automne 2023 a vu la parution d’un nouveau titre de la « Bibliothèque Michael McDowell », déjà riche de la saga Blackwater (cf. Bifrost n°107). Intitulé Les Aiguilles d’or et paru en 1980 en VO), il confirme la puissante cohérence stylistique et thématique de McDowell. D’une écriture toujours aussi efficace, l’écrivain déploie à nouveau une véritable contre-histoire des États-Unis. L’auteur explore ici les bas-fonds de la New York du XIXe siècle finissant. Il emmène, ou plutôt plonge, lecteurs et lectrices au cœur du quartier dit du « Triangle Noir ». Dans l’interlope topographie de ses rues borgnes et autres venelles ténébreuses se tapissent maisons closes, salles de jeu, fumeries d’opium et autres lieux destinés à satisfaire les vices d’une société new-yorkaise n’ayant de bonne que le nom… Il apparaît en effet que la famille patricienne des Stallworth, placée sous la patriarcale férule du juge James Stallworth, ne peut en réalité guère en remontrer en matière d’éthique au clan de « Lena la Noire ». Est ainsi surnommée la matriarche de la seconde des familles protagonistes des Aiguilles d’or, celle des Shanks, comptant autant de voleurs et prostituées que celle des Stallworth comprend de pasteur et autres piliers de l’ordre établi. Certes en délicatesse avec les lois écrites, les Shanks n’en possèdent pas moins une boussole morale certes singulière, mais plus assurée que celle des Stallworth. Ces damnés de l’urbaine terre new-yorkaise en feront la preuve lors d’un récit qui agrège d’une manière horrifique mélodrame social à la Dickens et feuilleton fin-de-siècle. Aussi prenantes et troublantes que Blackwater, ces Aiguilles d’or augurent de la meilleure des manières des sorties à venir dans la « Bibliothèque Michael McDowell ».