Megan E. O'KEEFE
BRAGELONNE
576pp - 25,00 €
Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115
Le MERIT domine l’univers connu. Ces cinq familles détiennent le monopole des principales techniques soutenant la société interplanétaire. Les Mercator (le M de MERIT) prospectent et exploitent un minerai essentiel à la technologie, une exclusivité dont ils usent pour se comporter en tyrans et réduire le reste de la population en esclaves dépendants. Comme aujourd’hui il vous faut, au pays de l’oncle Sam, un emploi pour obtenir une couverture sociale digne de ce nom, un emploi chez les MERIT vous assure des soins corrects et une possibilité de vivre plus longtemps. Car dans ce monde, on peut se réincarner éternellement d’un corps imprimé à un autre. Tant que vous ne « fissurez » pas sous le coup d’une mort trop violente ; auquel cas, plus de retour possible. C’est ce qui est arrivé à Canden, épouse d’Acaelus, le dirigeant impitoyable des Mercator, qui vit depuis dans le regret éternel de cette disparition et l’espoir que, peut-être un jour, on découvrira un moyen de faire revenir son amour disparue.
Son fils, Tarquin (dont le robot s’appelle Pline : le monde romain fait ici une apparition fugace ; on peut s’interroger sur le nom choisi pour le héros, tant les « rois Tarquin » manquaient singulièrement de bienveillance, à l’opposé total du jeune homme), qui ne s’intéresse qu’à la géologie, se retrouve embarqué dans une expédition sur une nouvelle planète afin de découvrir un gisement de relkatite, le fameux minerai vital pour les machines sur lesquelles repose la société. Mais dès les premières pages, le chaos règne sur son vaisseau : l’autre engin de la mission leur a tiré dessus sans raison apparente. Et voilà notre héros qui s’échoue sur la planète avec quelques survivants. Dont Naira Sharp, une révolutionnaire qui tente de mettre à bas la domination des MERIT. Elle a été imprimée sous une fausse identité et se retrouve au service de celui qu’elle méprise le plus au monde après son père, Tarquin Mercator…
C’est parti pour une série de rebondissements plus ou moins convenus, sur fond de romance un brin répétitive. L’attirance entre les deux ennemis est manifeste dès le début, les obstacles s’accumulent, et avec eux les sujets de tension. Un classique. « Les Mondes dévastés » est une trilogie dont l’ultime opus vient de paraître aux États-Unis. Le premier tome, Les Astres ravagés, donne le ton, ce qui ne manquera pas d’inquiéter pour la suite tant le rythme pose problème. Quelques (dizaines de) pages auraient sans doute pu être économisées, et l’intrigue resserrée. Avec des répétitions en moins et une insistance allégée sur certains points (dont l’opposition tellement forte entre les deux héros qu’elle en devient artificielle), ce roman aurait gagné en vivacité et en intérêt. Restent un produit assez banal, malgré quelques idées intéressantes et des scènes marquantes (comme la poursuite dans la forêt par des impressions ratées dignes d’un film d’horreur), et une série qui devrait plaire aux amoureux du genre romance spatiale, pas trop exigeants tout de même et avec du temps libre.