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Les critiques de Bifrost

Les Champs de la Lune

Catherine DUFOUR
ROBERT LAFFONT
288pp - 20,50 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

Ainsi avons-nous lu le tout dernier roman de notre autrice française préférée, Les Champs de la Lune, tout juste paru dans la collection « Ailleurs et demain », et nous l’avons trouvé extraordinaire. Contexte : nous sommes en 2324 et la Lune est habitée depuis deux siècles. N’imaginez pas une terraformation aussi opportune qu’un coup de baguette magique qui aurait changé notre satellite en un nouvel Eden, non, l’astre sélène reste dénué d’atmosphère, aride, rincé de vents solaires, bastonné par des variations de température extrêmes. L’humanité est un peuple troglodyte, soulunaire, qui a construit des cités au cœur des tunnels de lave formés il y a plusieurs milliards d’années. Celle que l’on nomme El-Jarline est l’une des rares à travailler en surface. Elle est employée par la cité de Mut et s’occupe de la ferme Lalande, seule avec son chat Trym, qui parle peu mais qui a de l’humour. Sous un dôme protecteur, elle y fait pousser les espèces légumières qui alimentent la cité, mais aussi fleurs et arbres, et prend soin de quelques animaux. Tout ce qui a su s’adapter à la rudesse des conditions. Ses rapports étant jugés laconiques, on l’invite à se nourrir de littérature pour rédiger davantage et aller au-delà des faits. Alors El-Jarline s’y livre, elle raconte la vie de la ferme, ses observations, ses découvertes et déconvenues, les dangers auxquels elle se confronte, l’inquiétante prolifération de la minicola. Et livre bientôt un regard décalé, mais aiguisé, sur la société lunaire, ses cités confinées, les troubles qui affectent les habitants et leurs pathologies, comme la terrible fièvre aspic responsable de tant de décès. On le sait par ici, la littérature a cet effet, sur qui en use, d’étendre le domaine des émotions qui ne demandent plus alors qu’à s’exprimer. Un changement profond va s’opérer chez El-Jarline le jour où on lui confie une petite fille de la cité. Le début d’une quête qui mènera à une révolution personnelle…

Les Champs de la Lune est un roman dufourien par ses racines les plus sombres, mais qui se pare d’un feuillage aux couleurs originales et resplendissantes. C’est tout d’abord un texte immensément poétique, et Catherine Dufour y exprime parmi les plus belles descriptions de la surface de la Lune, évoquant certains passages de la « Trilogie martienne » de Kim Stanley Robinson. C’est aussi un récit de science-fiction qui ne s’excuse pas de l’être, un planet opera élaboré dans lequel se devine progressivement, à demi-mot jamais prononcé, le vertige des espaces-temps infinis. C’est enfin un roman écologique sensible qui questionne la place de l’humain au sein de son environnement, et ses choix de survie sur le long terme.

Du beau, grand Dufour.

 

 

 

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