Si je vous parle d'un environnement radicalement extrême, de créatures géantes redoutées, d'un jeune homme auquel ces monstres parlent en rêve et qui doit conduire son peuple, tel un messie, vers un territoire de légende, que me répondez-vous ?
Eh bien non, il n'est pas ici question du Dune de Frank Herbert, mais plutôt du dernier roman de Laurent Genefort (son dix-neuvième !), Les Croisés du vide, tout juste paru aux éditions Fleuve Noir. Car à défaut d'un monde de sable nous nous contenterons d'un monde de gaz, faute de vers nous aurons des méduses, et Jahol dans le rôle de Paul.
Cette entrée en matière un tantinet abrupte pourrait à tort donner une idée négative du bouquin en question. Genefort a ses maîtres, ses grands inspirateurs. Il ne s'en est jamais caché. Et si ici la filiation est particulièrement marquée, cela ne signifie en rien que Les Croisés du vide est un mauvais roman, bien au contraire…
Olsgor est une planète géante gazeuse. Dans les méandres de ses bandes nuageuses agitées et mortelles, les humains vivent au sein d'énormes cités volantes n'ayant que peu de contacts entre elles. Coupés du reste de l'univers depuis des siècles, les hommes ont peu à peu perdu la maîtrise des technologies de pointes et vivent de la culture de verlichen et de chivre, de chasse aussi, notamment celle du lévian, sorte d'énorme méduse. Ainsi s'écoulent les jours à bord du Tixuarima, une cité-dirigeable régie par la stricte loi d'une organisation basée sur les castes et où le pouvoir semble s'équilibrer entre les mains du capitaine Baltagui et celles de la prêtresse Sorane'Leks. Précaire équilibre en fait que les visions « divines » de Jahol ne tarderont pas à rompre, provoquant la discorde et la guerre…
On le sait depuis longtemps, Genefort n'est jamais aussi à son aise que lorsqu'il s'attaque à un environnement spécifique. Et quoi de plus spécifique qu'une planète exclusivement constituée de gaz mortels ? Une manière de gageure dont l'auteur se joue avec une réelle aisance. Idem pour l'intrigue, certes très conventionnelle, et l'enchaînement narratif du roman, qui se lit d'une traite et nous apporte son quota d'évasion et d'imprévus. On regrettera pourtant le parti pris d'un unique point de vue narratif, celui du jeune Jahol, qui restreint considérablement l'impact et l'ambition des Croisés du vide. Où Herbert (pour reprendre notre idée initiale de filiation) pêchait volontiers par excès de strates narratives, Genefort, lui, fait dans l'extrême simplicité. Résultat un roman sympathique, certes, mais un regret aussi, celui de voir une bonne idée inscrite dans un cadre étonnant s'affadir par manque d'ambition (de temps, d'envie ?). Il y avait peut-être là de quoi faire un chef-d’œuvre, Genefort en a fait un bon roman. Ce n'est déjà pas si mal, évidemment.