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Les critiques de Bifrost

Les Démons sont éternels

Les Démons sont éternels

Simon R. GREEN
L'ATALANTE
464pp - 22,00 €

Bifrost n° 56

Critique parue en octobre 2009 dans Bifrost n° 56

Eddie Drood appartient à une vieille lignée anglaise entièrement composée d'agents secrets très spéciaux qui, sous couvert de lutter contre les forces du Mal, contrôle en fait le monde. Depuis le premier épisode, où il a mis fin à cette suprématie, il a pris la direction de la Famille des mains de la matriarche, au sein du Manoir où vivent tous les membres malgré le drastique manque de place, et est désormais le seul détenteur du Torque d'or, l'armure donnant l'invincibilité. Malheureusement rien ne va : au sein de la famille, on complote encore pour lui ravir le poste, tandis que les humains traquent les Drood, principalement Truman qui, pour accroître son pouvoir, permet à des entités maléfiques de venir sur Terre : les Abominations, parasites psychiques qui se nourrissent des âmes et qui ne sont en fait que les chevaux de Troie d'envahisseurs plus dangereux encore, les Multièdres, des Dieux Affamés issus d'une réalité supérieure dévorant des mondes et anéantissant des réalités entières, rien que ça ! La menace est telle que la famille noue des pactes avec diverses entités démoniaques l'aidant à mener le combat : Harry, cousin écarté du pouvoir qui avait juré de se venger, revient même avec un semi-démon, Roger, mais pour des raisons plus triviales. On ressort de l'arsenal une foule de gadgets plus ésotériques les uns que les autres, dont le miroir de Merlin pour la téléportation et le Train du Temps, dont l'utilisation est en principe prohibée, pour chercher des guerriers expérimentés dans le passé de la famille, et même dans le futur, ce qui permet à Gilles Traquemort, autre héros récurrent de Simon R. Green, d'intervenir aussi dans ce cycle. La surenchère propre à ce récit d'action ne cesse de multiplier les intervenants surprenants et les rebondissements inattendus qui relancent la menace quand on la croyait sous contrôle.

Pastiche revendiqué de James Bond, le roman imite pareillement les extravagances des récits de Ian Fleming, dans un cadre fantastique où l'auteur peut donner libre cours à son délire en matière de maléfices et de créatures. L'humour procède du décalage entre les protagonistes et des situations du quotidien (un démon gay, un ectoplasme menacé d'expulsion) ainsi qu'à des réflexions à l'emporte-pièce commentant l'intrigue. Ce serait agréable et même amusant si Simon R. Green ne se montrait pas si bavard. À force de s'attarder sur chaque situation comique, celle-ci perd de sa force et finit même par être envisagée de façon sérieuse, un peu comme dans ces sitcoms où le gag prolongé à l'extrême devient un élément de l'intrigue et se teinte d'une aura dramatique. La surenchère dans les combats incessants, une fois l'analogie avec James Bond comprise, aboutit là aussi à un fatras, dans la plus pure tradition des gonzo fictions. Un roman qui aurait pu être divertissant si l'auteur avait su se contenir ; tel quel, à défaut de rires, il distille la lassitude.


 

Claude ECKEN

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