Arnauld PONTIER
EX AEQUO
188pp - 16,00 €
Critique parue en janvier 2023 dans Bifrost n° 109
L’idée d’un éditeur vosgien se vouant à l’imaginaire ne pouvait à priori que m’être sympathique, aussi ai-je opté pour leur plus récente publication et en fus bien marri. On n’a pas tous les ans l’occasion de lire un ouvrage aussi mauvais !
Globalement, ce roman s’apparente sommairement à La Planète aux Oasis de B. R. Bruss (FN anticipation n° 419, 1970). Dans un futur moyennement éloigné, les terriens lancent un second vaisseau interstellaire militarisé, l’Antérus, vers Alpha Centauri après qu’un premier navire eut disparu. Ces opérations faisant suite à la découverte des « gandolfi », scaphandre extraterrestre hauts de trois mètres. Arrivé à destination, l’Antérus est capturé par la planète appelée Paradis qui l’enfouit dans une caverne à des kilomètres de profondeur. L’équipage va en découvrir maintes autres peuplées de toute une ribambelle d’ET amicaux capturés tout comme eux. Les Gandolfi/Aspics/Serpents s’avéreront ne pas les avoir attirés dans un piège mais appelé au secours bien qu’ils soient les plus évolués de tous. Le mystère ne sera pas résolu et l’on en restera aux supputations quant à savoir pourquoi cette planète capture des astronefs pour absorber leur énergie.
Le début du roman notamment est truffé de réflexions politiquement correctes qui sont peut-être la raison pour laquelle cet éditeur qui se proclame militant a publié ce livre au lieu d’envoyer à son auteur la circulaire de refus méritée. A titre d’exemple, l’emploi récurrent de « mâle » pour les protagonistes masculins souvent dans des considérations péjoratives alors que « femelle » n’est pas usité. Entre bien d’autres. Si des ellipses avaient été utilisées à chaque fois que cela eût été opportun, le roman se fut réduit comme une peau de chagrin. Ce sont toutefois les erreurs et contradictions dont le livre est perclus qui sont rédhibitoires à force d’accumulation. Confusion à propos des « gandolfi » sont les scaphandres aliens mais aussi un modèle de scaphandre terrien. Les deus ex machina tombent comme une pluie de parachutistes à la fin de Casino Royale (1967, avec David Niven, Peter Sellers et Ursula Andress). Le chat essayant plus ou moins de retomber sur ses pattes. Les personnages sont décrits à la file comme à une réunion d’ouverture d’un groupe des Alcooliques Anonymes mais leurs qualités et défauts ne sont pas mis en scène. Il y en a d’ailleurs bien trop pour un aussi court roman. Irina Kheraskov – dont le nom n’est pas accordé en genre comme il convient pour un nom russe – est née à Tcheliabinsk, qualifiée de petite ville, deux millions d’habitants tout de même. On la voit confirmer les ordres de McBain, commandant et personnage principal, qui s’évertue à la draguer alors qu’elle plus froide qu’un marbre funéraire et pathologiquement dénuée d’empathie… On débat d’une manœuvre déjà en cours. Notons qu’en plusieurs occasions revient le thème du sang qui serait lié aux qualités et défauts des protagonistes. La caverne où l’Antérus est naufragé est grande comme cinq terrains de foot et quelques pages plus loin, sa bordure est à cinq kilomètres dont ils envisagent de parcourir à pied le pourtour (35 km environ) en deux heures mais la Chinoise Li-Na qui est très intelligente et a un nez aquilin (de Blanc, quoi !) le fera en 40 minutes. Y a bon du marathon ! Du fait de la première expédition terrienne tout ce joli monde parle wolof, une idée plutôt sympa gâchée par le fait que toutes les phrases en wolof sont illico traduites – quand on introduit des mots étrangers dans un texte, ceux-ci doivent être implicitement compréhensibles, teufel ! Voire qu’une telle compréhension soit facultative. Arnauld Pontier étale sa culture par un vocabulaire parfois très précis et spécifique qu’il explique afin de nous éviter un recours intempestif au dictionnaire tandis que l’ensemble du roman n’est nullement rédigé dans un discours soutenu. Il nous cite les diverses ethnies de l’Ouest africain qui ont mâtiné le wolof parlé sur Paradis. Il s’étend en long, large et travers sur les différentes modalités de salut japonaise, y compris celles qui n’ont pas leur place dans le texte, histoire que le lecteur ne meurt pas trop idiot ! Dans ce roman situé dans un avenir suffisant pour que la Terre – bien que ce soit grâce aux ET qui y grouillent comme dans Men In Black (Barry Sonnenfeld, 1997) ou les « petits gris » si chers à Jimmy Guieu – soit à même d’armer un vaisseau interstellaire, on se trouve submergé de références à la culture SF actuelles, qui est certes celles de l’auteur, (Carl/Hal 2001 ; La Planète des singes ; Valerian ; Dilithium/Star Trek ; Yoda/Star Wars ; et même Les Tontons Flingueurs (G. Lautner, 1963)) mais qui sera sans doute bien oubliée dans le futur du récit. Confusion entre Don Juan et Don Quichotte bien que « dulcinée » soit devenu un substantif… Et encore, et encore… Ad Nauseam.