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Les critiques de Bifrost

Les Étoiles ne fileront plus

Les Étoiles ne fileront plus

Élodie SERRANO
GOATER
220pp - 16,00 €

Bifrost n° 115

Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115

Au XXVIIIe siècle, l’humanité a essaimé dans toute la galaxie et a colonisé moult planètes sans jamais découvrir aucune trace de vie extraterrestre intelligente. Pourtant, un curieux phénomène optique est étudié par une astronome-zoologue ; à certains endroits, à certains moments, les étoiles du ciel semblent se déplacer, et Camille Grandbois a l’intuition que ce fait étrange a une origine (exo)biologique. Lorsqu’un randonneur-explorateur rapporte avoir observé la chose depuis les montagnes de la planète Evoria, la scientifique part en expédition, à la découverte de ce qu’elle appellera bientôt les « baleines célestes ».

D’étranges cétacés cosmiques à l’apparence de constellations mouvantes nagent dans l’éther et descendent du ciel pour frotter leur ventre rocheux sur les reliefs montagneux d’une planète lointaine… Que pourrait-on imaginer de plus merveilleux ? L’humanité stupéfaite s’aperçoit alors que son expansion ultra-planétaire bouleverse l’écosystème sidéral de cette espèce étonnante, et que la cohabitation va se révéler délicate. S’engage bientôt une bataille entre scientifiques tenants de l’étude et de la conservation des baleines célestes, décideurs politico-industriels soucieux de profits, et population générale à l’opinion volage qui fait passer sa sécurité et son confort personnels avant toute autre considération. Toute ressemblance avec le monde réel…

Sans manichéisme (si si), l’ouvrage révèle les différentes facettes d’un monde humain qui n’a jamais su accepter la cohabitation avec le sauvage et qui, semble-t-il, ne le saura jamais. Le sujet est parfaitement maîtrisé par une autrice formée à l’école vétérinaire de Toulouse et dont la thèse de doctorat a pour intitulé « Le loup dans les littératures de l’imaginaire ; quelle image ? » Cette idée forte, soutenue par une écriture fluide et agréable, pâtit hélas d’un format court mal maîtrisé… La psychologie des personnages est survolée, les paysages et les créatures à peine décrits ; il est dès lors difficile de se laisser totalement emporter par un récit pourtant prometteur. Dommage…

Nonobstant, cette écotragédie empruntant au space opera et à la cryptozoologie ne manque pas d’intérêt, d’autant que la première partie offre un final figurant le rêve absolu de tout naturaliste assoiffé d’aventures. La surprenante deuxième partie — l’épilogue ? —, tenant davantage du cauchemar scientifique, assène un rude coup au lecteur et pose la question ambiguë de la relation entre science et activisme lorsqu’il s’agit de préserver la biodiversité en péril. Belle idée, belle réussite.

Enfin, l’essai « Notre relation à la nature et aux prédateurs », en postface, permet de mieux comprendre l’intention de l’autrice et ajoute à l’ensemble une dimension militante. Les Étoiles ne fileront plus, récit poétique et engagé dédié au respect du monde vivant, fait du bien en ces temps de post-apo climatiques et de solarpunk consensuels un brin surabondants dans la production SF actuelle. Comment saurons-nous préserver l’écosystème interstellaire le jour où nous quitterons la Terre ? Telle est la question joliment traitée par Élodie Serrano dans cet ouvrage qui, s’il manque d’ampleur, mérite davantage qu’un coup d’œil
 

Julien AMIC

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