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Les critiques de Bifrost

Les Étoiles solitaires

Roland C. WAGNER
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
256pp - 22,00 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

Douze ans après sa disparition, Roland C. Wagner manque toujours autant à la science-fiction française, et les efforts des Moutons Électriques pour promouvoir son œuvre n’en sont que plus méritoires, notamment lorsqu’ils fouillent les archives de l’auteur à la recherche de textes inédits.

Ceci dit, il ne faut pas imaginer pour autant que lesdites archives regorgent de trésors oubliés. Preuve en est ces Étoiles solitaires, œuvre de jeunesse et à destination d’icelle, écrite à une époque où les collections consacrées à ce public et ouvertes à la SF brillaient par leur absence.

L’action se situe au début du XXIIIe siècle, alors que les grandes heures de la conquête du Système solaire ont cédé la place à un quotidien bien plus terne. Chris, 17 ans, fait partie de ces innombrables travailleurs participant à l’exploitation de Mars dans des conditions iniques. Rêvant de fuir ce monde sinistre, il va faire la rencontre de l’un de ces anciens pionniers du vol spatial et, à la suite d’une série de rencontres plus ou moins fortuites, voir ses désirs les plus fous se réaliser.

Empruntant autant aux juveniles américains des années 40 qu’aux récits les plus stéréotypés de la collection « Anticipation », Les Étoiles solitaires enquille mollement quelques péripéties guère imaginatives. Ce qui sauve malgré tout le roman, c’est le point de vue qu’adopte l’auteur, celui de ce jeune prolétaire subissant de plein fouet les effets d’un capitalisme débridé étendu à l’échelle du Système solaire, et le portrait qu’il fait d’une communauté de parias pour lesquels la solidarité est le maître-mot.

Malgré tout, d’un point de vue littéraire, mieux vaut s’attacher aux nouvelles qui occupent la seconde moitié du livre. Toutes figuraient précédemment au sommaire de L’Été insensé, recueil au tirage confidentiel datant de 2019, et elles proposent une belle diversité de thématiques et de traitements : errance fiévreuse aux accents lovecraftiens d’un voyageur dans une ville étrangère (« Chaque Nuit »), discours écologique rêvant d’un ailleurs possible (« Fragment du livre de la mer »), fantasy s’amusant à inverser les codes du genre (« Pour une Poignée de cailloux »), hommage aux élucubrations ovniesques d’un vieil écrivain de science-fiction (« La Chanson de Jimmy »), uchronie dans laquelle le nord de la France est occupé par les Soviétiques (« De la Part de Staline »), imaginaire lié à la conquête spatiale (« Tout le Monde a un poids »), et, surtout, on retrouvera avec bonheur l’univers de Rêve de Gloire, le temps d’assister à un événement qui n’était qu’évoqué dans le roman (« L’Été insensé »).

Pour qui voudrait découvrir l’œuvre de Roland C. Wagner, Les Étoiles solitaires n’est sans doute pas une porte d’entrée conseillée, faute de textes majeurs au programme, mais pour qui souhaite entendre à nouveau cette voix si singulière, l’étape est obligatoire et bienvenue.

 

 

Philippe BOULIER

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