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Les critiques de Bifrost

Les Fabricants de Rêves

Gilles BERGAL
BLACK COAT PRESS
240pp -

Critique parue en juillet 2021 dans Bifrost n° 103

Aujourd’hui plus connu comme auteur de polars (Prix du quai des Orfèvres 2010 pour Au pays des ombres), Gilles Bergal, alias Gilbert Gallerne, œuvrait déjà dans les années 1980 en tant qu’auteur de SF (un peu – notamment sous le pseudonyme de Milan), de terreur (pas mal), de gore (si !) et déjà de thrillers, mais hantait aussi les conventions et festivals pour recueillir les propos de ses collègues, s’intéressant plus particulièrement au métier d’écrivain, à ses joies et à ses vicissitudes.

Ce livre reprend des interviews réalisées entre 1981 et 1985, pour la plupart lors du Festival de Metz, dont certaines furent publiées dans des revues et des fanzines de l’époque. On y retrouve des grands maîtres anglo-saxons et francophones, des écrivains en devenir – dont certains, hélas, se révélèrent des feux de paille –, et l’ensemble constitue une photographie – à signaler que chaque écrivain a droit à sa photo, une initiative bien inspirée – de « l’état de l’art » tel qu’il se présentait à cette époque.

Bref, une sorte de capsule temporelle, avec un fort parfum de nostalgie pour un temps où tout semblait possible.

Quel intérêt alors pour le lecteur d’aujourd’hui ?

Il est double. Primo, ce livre témoigne d’un frémissement, d’un basculement perceptible qui ouvrait de grands espoirs pour la littérature d’horreur et de suspense. Secundo, il rend compte de la situation de divers auteurs sur lesquels on plaçait de grands espoirs et permet, avec le recul, de faire un bilan parfois douloureux mais toujours lucide.

Cerise sur le gâteau : Bergal a choisi ses questions pour amener ses interlocuteurs à parler de leur métier avant tout, passant le plus souvent sur le côté autobiographique cher à un Richard Comballot pour creuser la question des méthodes de travail, des relations avec le cinéma et autres média. De ce point de vue, c’est passionnant et – hélas – toujours d’actualité.

Par ailleurs, comme ces entretiens étaient pour la plupart destinés à paraître dans des revues grand public – Fantastik, Ère comprimée –, Bergal savait qu’il s’adressait avant tout à des profanes, et donc n’hésitait pas à poser des questions banales pour l’édification des foules. Par conséquent, le lecteur d’aujourd’hui, qui ne connaît pas nécessairement les auteurs interviewés, est pris par la main et ne peut que sortir édifié de la lecture de ce livre.

Résultat : une photographie du genre SF/fantasy/fantastique au début des années 1980, parfois brute de décoffrage. Un regret : l’absence de mise à jour genre « que sont-ils devenus ? » faisant le point sur les projets et les espoirs des divers interviewés. Et je ne parlerai pas de la relecture hasardeuse et des nombreuses coquilles pour ne pas décourager les bonnes volontés (1).

Notes :
Bonnes volontés qui se procureront le présent ouvrage directement via le site de Rivière Blanche, l’éditeur n’étant pas distribué en librairies, ni même, semble-t-il, sur l’amazon… [NdRC]

Jean-Daniel BRÈQUE

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