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Les critiques de Bifrost

Les Hauts esprits

Les Hauts esprits

Claude ECKEN
NESTIVEQNEN
366pp - 21,00 €

Bifrost n° 43

Critique parue en juillet 2006 dans Bifrost n° 43

Vallargues, petite bourgade paumée dans un coin des Alpes-de-Haute-Provence. Village sans attrait et déserté par le tourisme. Vallargues, sa boulangerie, son café, ses habitants, leurs mœurs rustiques, leurs rancœurs tenaces, leurs superstitions et… un virage à la courbe fatale.

Bon, autant ne pas perdre davantage de temps puisque la quatrième de couverture du livre résume fort fidèlement l'enjeu dramatique du roman — une énième variation sur le thème du vampirisme psychique : on renverra les éventuels lecteurs à leur fournisseur préféré afin de la lire. Aussi se contentera-t-on d'un aveu public à formuler dans ces colonnes, tribune dont je profite avec fourberie…

En lisant Les Hauts esprits de Claude Ecken — auteur dont le talent n'est plus à prouver, notamment pour les lecteurs de Bifrost —, ce n'est pas l'angoisse qui m'a noué les tripes mais, hélas, un ennui inexorable1. Et pourtant, brave bête, je me suis efforcé, à maintes reprises, de relancer la lecture à coups de vigoureux encouragements mentaux. Las, rien n'y a fait. Les Hauts esprits est demeuré un calvaire de lecture, un roman longuet et poussif au lieu d'être haletant ou tout simplement inquiétant. Pourtant, les ingrédients nécessaires pour générer l'intérêt sont bien présents : un microcosme villageois, peuplé de spécimens issus de la ruralité profonde, dont Claude Ecken nous dépeint sans tabou les mœurs rugueuses. Cependant, tout ceci ne dépasse guère le stade de la caricature tant les caractères sont croqués à gros traits. Le tableau sociologique de Vallargues demeure une esquisse sommaire. On est à mille lieues, par exemple, d'un Michel Pagel (on se souvient notamment de L'Esprit du vin, dans lequel il dressait un tableau de la viticulture que l'on ressentait marqué du sceau de l'authenticité), ou encore du Pierre Pelot de La Forêt muette.

Reste l'ingrédient du fantastique. Mais là aussi, malheureusement, cet aspect du roman n'emporte pas l'adhésion. Certes, la tension monte peu à peu. Les accidents bizarres s'enchaînent et les péquenots relèvent les faits inexpliqués. Ils discutent, échangent, spéculent et s'énervent. Les commères jettent de l'huile sur le feu. Alors, les péquenots vitupèrent, accusent et vouent aux gémonies. Puis ils décrochent leurs armes de la cheminée et effectuent une sortie punitive car rien ne vaut la justice expéditive…

Bref, il y a du travail dans la dramatisation de l'histoire et on ne peut nier les compétences de Claude Ecken en ce domaine. Sauf que tous les éléments qui contribuent à créer une ambiance étrange dans laquelle s'immerger font défaut. En fait, à trop montrer, à insister sur les détails macabres : pendaison, éviscération, mutilation, empoisonnement, combustion spontanée, décapitation — nous sommes gâtés —, des accidents successifs, Les Hauts esprits ne génère finalement aucun malaise ou alors de manière très fugitive (de mémoire, le chapitre XVI m'a fait frissonner quelque peu). Quant au dénouement, convenu, il ne vient en rien tempérer la déception…

En conclusion, on regrettera qu'un livre sensé couper l'envie de dormir n'aboutisse qu'à l'effet contraire : un bon gros bâillement. À moins que ce ne soit moi qui, après tout, aie mauvais esprit ?

Notes :
On signalera toutefois que si Les Hauts esprits vient tout juste de paraître, sa rédaction date en revanche d'une dizaine d'années. (NDRC)

Laurent LELEU

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