Sylvie DENIS
MANGO Jeunesse
192pp - 9,00 €
Critique parue en avril 2009 dans Bifrost n° 54
Sylvie Denis est un auteur rare et surprenant. Après l'excellent Haute-Ecole (l'Atalante, en 2004), des rumeurs ont longtemps couru à propos d'une éventuelle suite à ce roman de fantasy. On connaît la rumeur : volatile et le plus souvent infondée. Finalement, c'est avec le premier volet d'un diptyque de science-fiction qu'elle a effectué son retour. Et même si La Saison des singes (l'Atalante, 2007) a déçu les attentes de certains, ceci n'a pas pour autant entamé le capital de sympathie dont elle jouissait (issu pour beaucoup de son parcours de nouvelliste exceptionnelle). Et voici que l'auteur nous surprend à nouveau, avec cette fois un livre édité dans une collection destinée à la jeunesse. L'occasion d'ajouter une nouvelle touche à sa palette littéraire. L'expérience s'avère-t-elle pour autant concluante ? Il faut avouer que l'on ressort avec une impression mitigée, comme on va le voir…
Nuées est une exoplanète sur laquelle des colons humains ont jadis fait naufrage. Ce monde, dont la surface s'apparente à Vénus, se singularise par une vie végétale qui a colonisé les strates supérieures de l'atmosphère. Sur Nuées, les nuages sont littéralement constitués d'une espèce de mousse sur laquelle s'agglomère la vapeur d'eau. Et c'est sur ces nuages que les naufragés se sont installés. Au fil du temps et des vents, les naufragés se sont différenciés de manière à développer des modèles sociaux radicalement divergents. Parfois, au gré des courants aériens, les microsociétés qu'ils ont fondées viennent à se côtoyer. De ces rencontres naissent, éventuellement, l'incompréhension, ou, le plus souvent, des échanges. Rien de neuf sous le soleil, finalement…
Avec Les Iles dans le ciel, Sylvie Denis met en place un contexte de science-fiction ultra classique. Moyen de transport extra dimensionnel pour se déplacer dans l'espace, bracelets anti-gravité pour voler, naufrage sur une planète inconnue et reconstruction d'une civilisation à partir de vestiges technologiques, le roman fait appel à des motifs et à des ressorts déjà vus une multitude de fois en science-fiction. Toutefois, ces éléments ne sont là que pour poser un cadre dépaysant propice à l'aventure et au rêve, conformément à la déclaration d'intention de la collection « Autres mondes ». La réflexion naît de la rencontre entre des adolescents issus de sociétés différentes. En effet, les mondes qui évoluent dans l'atmosphère de Nuées sont autant de microcosmes qui décalquent nos sociétés terrestres. Ainsi, la science-fiction s'adresse ici au présent, en proposant un modèle social utopique, celui du Cygne. Face à la Perle noire, un monde organisé comme une ploutocratie reposant sur l'exploitation d'une masse laborieuse asservie, le peuple du Cygne apparaît comme une communauté apaisée, vaguement anarchiste et autogérée. Un paradis comparé à la Perle qui agit comme un repoussoir radical. Tout cela suffit-il pour emporter l'adhésion ? À vrai dire, c'est un peu léger tout de même. Les deux communautés manquent singulièrement d'épaisseur. Même si Sylvie Denis fait montre d'efficacité dans la mise en place de l'intrigue, ceci n'empêche pas de trouver celle-ci un peu mince, pour ne pas dire simpliste. Les Iles dans le ciel a donc les apparences d'une longue scène d'exposition, mollement animée par une intrigue balisée et sans véritable tension dramatique. On n'est pas déçu mais on reste tout de même sur sa faim. Cependant, de nombreuses pistes laissent à penser que ce roman pourrait bien être le premier volet d'un récit en devenir. Affaire à suivre, donc. On commence à avoir l'habitude avec Sylvie Denis.