Richard M. Baedecker a marché sur la Lune dans le cadre du programme Apollo. Il y a même laissé en souvenir une photo de sa femme et de son fils. Cet événement constitua l’apogée de sa carrière, et son accomplissement personnel ultime. Depuis, sa vie professionnelle, hors de la NASA, peine à l’intéresser, sa femme l’a quitté, et son fils Scott s’est entiché d’un gourou que Baedecker soupçonne d’être un escroc. Aussi se rend-il en Inde pour tenter de faire entendre raison à Scott ; il y fait la connaissance de Maggie, la petite amie de celui-ci. Scott étant retenu à l’ashram, Richard et Maggie jouent les touristes, se trouvent des centres d’intérêt communs ; Maggie initie l’ancien astronaute aux lieux qui, selon elle, possèdent un pouvoir secret. Revenu aux USA, Richard démissionne et entame un voyage à la rencontre de ses anciens camarades de la mission Apollo…
Davantage roman de littérature générale que de genre, Les Larmes d’Icare détonne dans la bibliographie de Dan Simmons. Certes, il n’existe aucun astronaute nommé Richard Baedecker, et encore moins un qui aurait marché sur la Lune (pas plus qu’un Dave Muldorff ou un Tom Gavin). Mais, passé ce détail qui pourrait assimiler ce récit à une uchronie, plus rien ne ressort à la SF. Les Larmes d’Icare préfère retracer un itinéraire personnel, celui d’un homme au mitan de sa vie qui ne sait plus vraiment ce qui le fait avancer et se pose la question de sa place dans l’univers. Cet homme déboussolé, Simmons le décrit à merveille, restant en permanence au plus proche de Richard, dans un voyage intimiste qui tranche là aussi sur les effets pyrotechniques habituels de l’auteur. Les quelques certitudes qu’a encore initialement Baedecker vont peu à peu voler en éclats à mesure qu’il les confronte à la vitalité de Maggie, aux croyances de celle-ci et à celles de ses anciens camarades astronautes. Richard sera ainsi amené à se remettre en question, questionnement qui engendrera peut-être une sérénité nouvelle et un deuxième départ dans l’existence…
Au travers de Baedecker, Simmons évoque aussi le programme spatial américain, ses réussites, bien entendu, mais également les doutes sur son avenir, tant il ne semble plus rien proposer de très innovant ni ne fait plus rêver grand-monde. L’explosion de la navette Challenger est survenue entre-temps, et avec elle est partie une part non négligeable de la flamboyance de la NASA. La remise en cause de Richard est ainsi à considérer, métaphoriquement, comme une nécessité pour l’agence spatiale et ses associés à se réinventer afin de continuer à proposer du rêve aux Américains.
Empreint de tranquillité, Les Larmes d’Icare occupe une place à part dans l’œuvre de Dan Simmons. Il serait néanmoins dommage de délaisser ce livre moins connu et plus personnel, qui s’attache sans doute davantage à l’être humain que n’importe quel autre roman de son auteur.