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Les critiques de Bifrost

Les loups de la pleine lune

Les loups de la pleine lune

Edouard BRASEY
LE PRÉ AUX CLERCS
267pp - 15,00 €

Bifrost n° 38

Critique parue en avril 2005 dans Bifrost n° 38

Mouais… Voilà ce que j'ai envie de vous dire après avoir lu Les Loups de la pleine lune d'Edouard Brasey. Attention : je ne veux pas dire que ce n'est pas bon, hein ! Je veux juste signifier par là que la créativité développée dans le bouquin ne risque pas de vous mettre à genoux. Pourtant, l'auteur a à son actif un joli pedigree en matière d'ouvrages consacrés au fantastique et à la fantasy, dont Démons et merveilles et La Cuisine magique des fées et des sorcières, que certains d'entre vous connaissent probablement.

Comme le titre le laisse à penser, le roman traite de lycanthropie. En l'occurrence, celle d'un officier prussien, Hagen, qui a passé un pacte d'immortalité avec le Diable, et se voit chaque pleine lune devenir trois nuits durant un loup. Au fil des années, il perd même son aspect humain pour devenir uniquement loup.

Il est évidemment l'amant d'une belle jeune femme — la Baronne Clarimonde de Mortemare —, elle aussi, semble-t-il, dotée d'une jeunesse éternelle, qui vit recluse dans son manoir avec son mari impotent et le souvenir de son fils Jacques, décédé. Tous les deux sont servis par un majordome aussi fort qu'il est taciturne, Joseph. Le Baron semble n'avoir qu'une seule passion : les centaines de poupées qui ornent sa chambre, et qu'il dorlote comme ses filles. Bref, on est en pleine ambiance gothique. Et ce n'est sans doute pas un hasard si les deux exergues du roman sont respectivement tirés de Nosferatu et de L'Invité de Dracula

C'est dans ce petit monde clos que débarque un jour, par hasard — perdu en pleine nuit dans la forêt —, le jeune Raoul Follerand, dont le roman est en fait le journal intime. Attiré par la Baronne et les mystères qui l'entourent, il va s'efforcer de mettre au jour les secrets de la maison de Mortemare. Il devient l'amant de la belle Clarimonde, et la rejoint fréquemment dans la roulotte qui abrite ses amours secrètes, près du lac de l'Ecrevisse. On s'en tiendra là, parce que l'essentiel de l'intérêt du récit tient dans la révélation finale.

L'auteur utilise abondamment les récits enchâssés : récit de la Baronne dans le journal de Raoul, qui elle-même raconte l'histoire de Hagen ; transcription du journal de Jacques… Bref, récit dans le récit dans le récit, mais sans jamais que l'on s'y perde. Et mise en abyme supplémentaire : le texte est censé être un manuscrit trouvé dans un manoir du Loir-et-Cher — le roman est sous-titré « Carnet retrouvé dans un manoir en ruines ». Le « document » est envoyé au Préfet par une étude notariale — sise, comme par hasard, « rue du Meneur de Loups » — car ce dernier veut réquisitionner le domaine pour en faire un centre d'accueil. Technique narrative éculée, me direz-vous, mais qui n'est pas sans efficacité.

L'œuvre est très occupée d'érotisme, mais sans jamais tomber dans la vulgarité. Il faut reconnaître à Brasey un art d'écrire ces scènes en les rendant comme nécessaires à la psychologie des personnages et au déroulement de l'histoire, alors qu'elles ne sont, pour beaucoup d'autres textes, qu'une obligation d'éditeur ou un argument de vente. Ici, elles sont liées à la bestialité de la lycanthropie et au semi-vampirisme qui émane de la Baronne. Véritablement, c'est à un érotisme artistique qu'accède l'auteur. On reste en revanche dubitatif quant à l'intérêt des illustrations qui émaillent le texte. Je suis navrée, monsieur Alain Freytet, mais elles n'ont rien d'exceptionnel, et je ne vois vraiment pas ce qu'elles apportent ici…

On conclura en précisant qu'il s'agit-là d'un ouvrage réservé aux amateurs du genre, aux fans de Stoker et autre Sheridan Le Fanu. Les Loups de la pleine lune ne révolutionnera rien, surtout pas votre point de vue sur le genre, mais c'est un bon roman, soutenu par une révélation finale qui vaut pour le restant du récit. Pour un des premiers essais de Brasey dans le domaine proprement romanesque — l'auteur s'était jusque-là consacré davantage aux études sur le domaine fantastique —, voilà qui mérite d'être encouragé, même si l'ensemble reste un peu « scolaire »…

Sylvie BURIGANA

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