Jack MCDEVITT
L'ATALANTE
506pp - 19,67 €
Critique parue en juillet 2001 dans Bifrost n° 23
Voilà un bel exemple de roman sans qualité auquel le lecteur peut très bien mordre. L'écriture y est plate, le rythme paisible. Les péripéties se succèdent en vagues plus langoureuses qu'autre chose. On ne saurait dire que les problématiques soulevées sont transcendantes. A dire vrai, c'est un roman qui aurait dû être mauvais…
Mais…
Le lecteur de S-F est un bizarre oiseau, entre pie et chouette, qui dévore les bouquins tout en étant lui-même dévoré d'une insatiable curiosité. La S-F, comme naguère les grands récits d'exploration et d'aventures, est la littérature des gens curieux. Pas toute la S-F, bien sûr. Pas « l'heroic star fiction ». Mais c'est l'essence même du genre. La « science » du mot S-F renvoie davantage à cette curiosité qu'à l'exactitude scientifique ou à la Méthode ; à cette curiosité qui est l'apanage des gosses, des chercheurs et des lecteurs de S-F.
Et la curiosité est le moteur de lecture des Machines de dieu, comme il y a des chevaux sous le capot fort joliment customisé par Manchu. C'est uniquement parce que nous sommes des lecteurs de S-F — et donc de fieffés curieux — que nous pouvons lire et prendre plaisir à un livre aussi dénué d'ambition littéraire. Pire — ou mieux — , les moteurs de l'entertainement qui caressent dans le sens du poil les fantasmes de pouvoir d'une certaine catégorie de lecteurs — qui ont trouvé bien mieux avec les jeux vidéo shoot-‘em-up —, tournent au ralenti. L'héroïsme n'est certes pas absent, mais l'ennemi fait défaut. Si la curiosité n'est pas dénuée de danger, les œillères en représentent un bien plus grand. Pour pouvoir s'identifier aux protagonistes de McDewitt, il faut désirer comprendre davantage que vouloir vaincre.
Les Machines de dieu rappelle fortement l'œuvre de B. R. Bruss au Fleuve Noir dans les années 50 et 60 — l'une des meilleures, soit dit en passant. Elles sont très proches l'une de l'autre, tant par la thématique que la narration. Le ressort de lecture est le même : il faut comprendre pour résoudre un mystère lourd de menace.
Ce n'est certes pas de la grande littérature, mais au moins est-ce de la bonne science-fiction. De la vraie. Le contrat de lecture est rempli.