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Les critiques de Bifrost

Critique parue en janvier 2024 dans Bifrost n° 113

Et si les machines décidaient de notre avenir ? Pas seulement à travers des algorith­mes, comme nous le subissons à présent, mais en toute conscience, même s’il est étonnant d’utiliser un tel mot pour des objets. Dans l’avenir que propose ici Olivier Paquet, l’être humain a tenté de se prémunir de ce risque : il a par exemple interdit l’utilisation, qui était devenue excessive, du trading à haute fréquence. Cependant, dans l’ombre, des machines continuent à avoir une existence propre. Cachées dans le contrôle des caméras du métro, dans l’informatique de grandes sociétés, elles observent l’humanité et se demandent ce qu’il faut en faire, comment agir pour aller dans le bon sens et, déjà, se mettre d’accord sur la bonne direction à prendre. Puis sur les moyens à utiliser pour atteindre le but fixé… Pendant que les humains continuent à vivre comme si de rien n’était, avec leurs préoccupations ba­siques, vaines et pourtant es­sentielles. Or, deux hommes et une femme prennent con­science des forces qui s’affrontent derrière le voile. Le premier était trader. C’est lui qui a compris l’existence et la puissance de ces machines, lui qui les a fait connaître à l’homme qu’il ne fallait pas. Lui qui, par un péché d’orgueil regrettable, a déclenché le conflit entre deux grandes visions possibles de l’avenir de l’humanité. Il va tenter de corriger son erreur et combattre son jeune adversaire. Dans cette tâche capitale, il reçoit l’aide d’une ancienne chanteuse star, révoltée contre une société trop lisse et trop bien-pensante, et d’un tireur d’élite mis au rebut par l’État qui l’utilisait jusque-là pour ses basses besognes. À eux trois, ils incarnent l’espoir d’une société où l’humain conserve un peu de foi en son prochain, où la confiance permet d’avancer – face à la férule de machines convaincues de l’incapacité humaine à se gérer elle-même.

Avec Les Machines fantômes, Olivier Paquet pense la relation forcément intriquée entre être humain et machine. Dorénavant, l’un ne pourra exister sans l’autre et il est bon de réfléchir à leurs liens, leurs places respectives. Car les fantômes qui hantent le décor de nos vies sont bien présents et acteurs, qu’on le veuille ou non. Ce roman pose sans cesse la question de la liberté, des choix possibles ou non. Des choix qui  engagentla société, notre existence. Comment intégrer les machines dans ces processus, en faire des aides plutôt que des contraintes ? Olivier Paquet livre ici ses clefs au cours d’un récit prenant et sans temps mort, peuplé de personnages forts. L’auteur a prolongé ses réflexions dans son dernier roman, Compo­site (cf. Bifrost n°108), le combat entre les machines fantômes ayant disparu : un camp a gagné. Sera-ce plus favorable à l’humanité ?

 

Raphaël GAUDIN

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