Michel PAGEL
LE PRÉ AUX CLERCS
21,00 €
Critique parue en avril 2007 dans Bifrost n° 46
Coucou, les revoilou !
Les Immortels, acte deux : où Eneresh, Alad et compagnie gagnent la cour de Pharaon, et ce qui s'ensuit…
Entre Mésopotamie et Egypte éternelle, d'un fleuve ou d'un désert à l'autre, rien de nouveau sous le soleil. On nage toujours en plein complot, au milieu de crocodiles perruqués, maquillés, et qui sentent bon le kyphi — dont Plutarque disait qu'il avait le pouvoir d'apporter calme et quiétude à tous ceux qui le respirent.
De kyphi, Michel Pagel, lui, n'en a guère respiré (pour notre plus grande joie) : sexe, sang, assassinat, sexe, courses-poursuites, combats, sexe, folie, rebondissements à foison, son roman réunit tous les éléments d'une vigoureuse fresque touristico-antique — jusqu'à proposer un remake fort brutal de Mort sur le Nil.
Mais résumons.
Mérenrê et Nicotris règnent sur l'Egypte. Le premier nommé est une lopette que la seconde aspire secrètement à renverser, au profit de son frère Sahoumaât. Lequel est un salaud fini, prêt à n'importe quelle horreur pour arriver au sommet. Les uns et les autres tentent de se mettre dans la poche une société d'assassins, les hommes-chats de la déesse Bastet, qui font la pluie et le beau temps dans tout l'empire. C'est dans ce contexte qu'Eneresh débarque, suivi comme son ombre mais à bonne distance par Alad, le jeune frangin rebelle. Les menées des deux frères et de leurs alliés compliquent un écheveau déjà bien embrouillé, où les marchés de dupes sont à double-fond.
Dans l'extraordinaire décor d'une Egypte baignée de surnaturel, mêlant hommes, dieux, esprits tutélaires de la Nature, le duel des mages ennemis (qui feraient passer Imhotep pour un bateleur de foire) répond enfin aux attentes suscitées par la première levée du cycle (Les Mages de Sumer), et prend même sur la fin une dimension inattendue… Les seconds rôles ne sont pas en reste, Pagel ayant le bon goût de leur ménager quelques fécondes perspectives d'avenir (mentions spéciales à la pulpeuse Ershemma et à Gurunkash — mon préféré).
Conclusion : contrairement à ce que peut laisser croire cette chronique, l'auteur n'est ni une brute ni un obsédé : outre le sérieux de la reconstitution, son récit est troussé avec style, ses vulgarités ont toujours de la classe. Moi, en tout cas, j'en redemande.
Après Sumer et le Nil, on prend rendez-vous pour Cnossos ou Mycènes ?